Un lecteur-ami, Guy CHABANT, a
réagi à mon précédent article ‘’« L’esprit du chemin »…C’est
quoi ?’’ (1) en me faisant remarquer que si l’esprit du chemin était
une réalité se traduisant par des attitudes et des comportements
ouverts à certaines valeurs, d’autres attitudes contraires à
l’esprit du chemin ou empêchant de découvrir ces valeurs devaient
exister et il m’en citait quelques-unes (c’est pourquoi son nom est
associé à ce nouvel article).
Au risque certain d’être accusé
de porter des jugements et d’oublier l’adage « A chacun son
chemin », je vais essayer de mettre en lumière ces comportements
qui, selon moi, sont
contraires à l’esprit du chemin et qui ne permettent pas la
découverte de ces valeurs.
Me demandant si des textes
avaient déjà été publiés sur ce sujet, je trouve sur le site de la
cathédrale Notre-Dame du Puy, un article, écrit par un
pèlerin-hospitalier (2), consacré à la réservation de logement qu’il
juge contraire à l’esprit du chemin.
LA RÉSERVATION
Dans les cas où il s’agit d’une
simple auberge de pèlerin, réserver un logement, c’est
le contraire de la solidarité,
c’est le chacun pour soi, c’est penser à soi en prenant
éventuellement la place d’un autre plus fatigué que soi, c’est aussi
le contraire de faire confiance,
c’est s’empêcher de vivre l’instant présent qui vous
imposerait de prendre plus de temps pour visiter une église, un site
remarquable hors chemin, c’est ne
plus être disponible à une rencontre ou une invitation inattendue.
(2) La réservation peut s’avérer nécessaire lorsque l’hébergement
prévu s’accompagne d’un repas préparé par l’hébergeur ; dans ce cas,
réserver est bien sûr totalement justifié.
LE TRANSPORT DES BAGAGES
Faire transporter une valise ou
un sac à dos (à l’exclusion des cas d’un problème de santé empêchant
le port d’un sac), va à l’encontre
de la simplicité, car le fait de ne pas devoir porter permet
souvent d’emporter des objets de confort futile contraire à une
démarche de simplicité et de retour aux besoins essentiels. De plus,
le transport des bagages entraîne presque toujours la réservation
des logements…
S’ENQUÉRIR SUR LES RÉSEAUX
SOCIAUX DES MEILLEURS LIEUX D’ACCUEIL ET DES LIEUX OÙ LES REPAS SONT
LES MEILLEURS
Ce type de question très
souvent lue sur les réseaux sociaux va
à l’encontre de la simplicité, de
la sobriété dans l’esprit du chemin. Cette recherche de plus
de bien-être n’est pas réellement un retour aux besoins essentiels !
PÈLERINER EN GROUPE
Un groupe de marcheurs se
suffit à lui-même, se referme souvent sur lui-même, n’a besoins de
personnes d’autres. Cette auto suffisance va
à l’encontre de l’esprit
d’ouverture à l’autre et aux rencontres nouvelles. Le
solitaire se sent encore plus isolé face à un groupe soudé. Autre
chose est de pèleriner en groupe familial qui apporte certainement
une richesse supplémentaire.
IGNORER LES AUTRES PÈLERINS
ET PÈLERINES
Ne pas souhaiter « Buen Camino »
ou « Ultreïa » à un pèlerin que l’on dépasse ou ne pas saluer un
autre que l’on rencontre à l’étape ou à l’auberge est contraire à un
esprit de fraternité. C’est le
contraire d’une ouverture à l’autre et à un esprit de rencontre.
NE PAS SALUER, LORS DE LA
TRAVERSÉE DES VILLAGES, LES VILLAGEOIS QUE L’ON CROISE
N’est ce pas se comporter en
touriste, et même en touriste conquérant ? Pour le touriste,
l’autochtone est l’étranger, pour le pèlerin par contre, c’est
lui-même qui est l’étranger (2) (c’est d’ailleurs la première
définition de pèlerin). Ne pas saluer l’autochtone rencontré dans un
village, ce n’est pas faire preuve
d’humilité, de respect et du souci de rencontrer l’autre.
ABANDONNER SES DÉCHETS DANS
LA NATURE ET Y DÉFÉQUER SANS ENFOUIR SOIGNEUSEMENT SES DÉJECTIONS
C’est manquer de respect des
autres et de la nature.
FUIR LES DORTOIRS, DEMANDER
UNE CHAMBRE PRIVÉE, OU CHOISIR PRÉFÉRENTIELLEMENT LES CHAMBRES
D’HÔTES ET LES HÔTELS
En plus d’être à l’opposé de la
simplicité, cette recherche ne va-t-elle pas aussi
à l’encontre de l’esprit de
rencontre et d’ouverture à l’autre ?
CONSIDÉRER LA PERSONNE QUI
ACCUEILLE DANS LES AUBERGES PUBLIQUES COMME UN OU UNE SIMPLE
FONCTIONNAIRE
et ne pas lui témoigner du
respect et de la considération, est
ce faire preuve de délicatesse et, n’est ce pas contraire d’aller à
la rencontre de l’autre ?
S’ENQUÉRIR SYSTÉMATIQUEMENT
DES MEILLEURS RESTAURANTS POUR LE REPAS DU SOIR
Un pèlerin est en même temps un
touriste, et, à ce titre, aimer occasionnellement faire un très bon
repas ou goûter des plats régionaux est tout à fait normal. Mais la recherche systématique des
meilleurs restaurants ne va-t-elle
pas à l’encontre de la simplicité et de la recherche des valeurs
essentielles ?
RENTRER TARD LE SOIR À
L’AUBERGE ET ENTRER DANS LE DORTOIR EN PARLANT FORT OU (ET) EN
ALLUMANT LES LUMIÈRES
C’est un manque de respect pour
les autres, c’est un manque de délicatesse et d’empathie, c’est le
chacun pour soi, tout le contraire
du respect et de la solidarité.
SE LEVER TÔT LE MATIN ET
FAIRE SON SAC SANS SE PRÉOCCUPER DU BRUIT QUE L’ON FAIT, NOTAMMENT
AVEC LES MULTIPLES SACS EN PLASTIQUE OU (ET) EN ALLUMANT LES
LUMIÈRES
Relève du même « chacun
pour soi ».
FAIRE UNE COURSE EFFRÉNÉE
AUX TAMPONS
Si l’office des pèlerins à
Compostelle demande à ceux qui ne marchent que les 100 km
nécessaires pour l’obtention de la « Compostela » de faire tamponner
sa crédenciale 2 fois par jour, certains pèlerins cherchent à
engranger le plus grand nombre possible de cachets en faisant
tamponner leur crédenciale par quiconque est susceptible de pouvoir
le faire. Où se trouvent dans ces
comportements la recherche de vraies valeurs et le lâcher prise ?
MARCHER
EN SE FILMANT ET EN COMMENTANT SON CHEMIN ET LE PUBLIER
JOURNELLEMENT SUR FACE BOOK
Mon
questionnement quant à la possibilité de concilier cette mise en
spectacle de sa démarche et de ses états d’âme avec une certaine
intériorité et un lâcher prise a déjà été abordé dans un précédent
article (4). Se mettre en scène et en spectacle
me semble aller à l’encontre d’une
recherche d’intériorité et de lâcher prise.
PRENDRE
LE BUS POUR SAUTER L’ÉTAPE MOINS BELLE OU POUR ENTRER OU SORTIR
D’UNE VILLE
C’est
vrai qu’il y a des étapes ou des parties d’étape moins belles ou peu
agréables, mais le chemin ne forme-t-il pas un tout ?
La beauté du chemin est il un
élément essentiel du pèlerinage ?
S’ARRÊTER TRÈS RÉGULIÈREMENT DANS LES BARS ET CAFÉS POUR SE
DÉSALTÉRER
plutôt
que d’emporter de l’eau et de boire à sa gourde, et cela
principalement en terrasse, ne va-t-il pas à
l’encontre d’un esprit de sobriété
et de retour au besoins essentiels ? Autre chose est la bière
ou autre boisson prise à l’arrivée à l’étape ou en soirée…
MARCHER
LE NEZ DANS SON TÉLÉPHONE PORTABLE POUR SUIVRE AU PLUS PRÈS LES
INDICATIONS DE « BUEN CAMINO »
et
s’empêcher ainsi de vivre l’instant
présent, d’être ouvert à la rencontre, de s’émerveiller de la
beauté du chemin qui s’offre à nous n’est-ce pas aussi s’empêcher de
vivre pleinement les valeurs que le chemin pourrait nous faire
découvrir.
MA CONCLUSION
« À chacun son chemin », bien sûr ! Mais tous les
cheminements ne me semblent pas équivalents …
*
1.
SWALUS Pierre, « L’esprit du chemin »… C’est quoi ?
, en ligne sur le site « Vers Compostelle » de l’auteur :
https://verscompostelle.be/l-esprit-du-chemin-c-est-quoi.htm
2.
HUGUES,
Faut-il ou non céder à la mode de la réservation ?, en
ligner sur le site de la Cathédrale Notre-Dame du Puy :
https://www.cathedraledupuy.org/pelerins-de-saint-jacques/informations-pratiques-1/faut-il-ou-non-ceder-a-la-mode-de-la-reservation
3.
Anonyme
, « Le touriste et le pèlerins », En ligne sur le site « I
quès és la veritat » : https://thomasmore.worldpress.com/
4.
SWALUS Pierre , « Pèlerinage, motivations et mise en
scène ? », en ligne sur le site « Vers Compostelle » de l’auteur :
https://verscompostelle.be/motivations-mise-en-scene.htm