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QUE PENSER DU TRANSPORT DES SACS À DOS (ET DES BAGAGES) SUR LES CHEMINS DE COMPOSTELLE ?

par Pierre Swalus
pierre.swalus@verscompostelle.be

La première fois que nous avons été confrontés à une  proposition de transport des sacs à dos d’une auberge à une autre  date de notre premier pèlerinage en 1990. C’est dire que le phénomène n’est pas nouveau.

S’il n’est pas nouveau, il a par contre pris aujourd’hui une ampleur considérable. En 1990, sur tout le chemin, nous n’avons été témoin d’une proposition de transport qu’une seule fois,: c’était le 11 août 1990 à Villafranca del Bierzo où Jesús Jato , figure bien connue d’hospitalier de la première heure, offrait à ceux qui le souhaitaient de transporter les sacs jusqu’au Cebreiro ,  ce que certains acceptaient par crainte de l’étape réputée assez dure.

Ce transport initialement rare et plutôt le fait de certains gestionnaires d’auberge s’est progressivement multiplié et diversifié. D’abord à l’initiative de propriétaires de taxis, puis par la création de sociétés de transport se spécialisant dans ce domaine et puis par des agences organisant  ce transport tout au long des chemins et offrant encore d’autres services. On trouvera ci-dessous quelques unes de ces entreprises commerciales (1).

 Les prix demandés sont variables : dépendant notamment  de la période de l’année et du nombre de fois que le service est commandé ; ces prix en saison varient le plus souvent de 7 à 4 € par étapes

La poste espagnole est devenue une concurrente sérieuse en offrant le transport sur les principaux chemins en Espagne et en demandant par exemple 20 € pour le transport des bagages entre Sarria et Santiago (2)  (En 2019, Sarria a été le point de départ de 27%  des pèlerin.e.s demandant la « compostela »)(3).

La concurrence augmentant,  le choix d’un service va de plus en plus dépendre de la publicité qui en est faite et celle-ci s’est donc également développée sur les chemins par affiches et cartes « abandonnées » de-ci de-là .

Que penser de tout cela ?

Disons d’abord qu’il est parfaitement justifié et compréhensible qu’une personne dont la condition physique ne lui permet pas de porter son sac à dos (âge, problèmes articulaires, autre situation d’handicap) fasse appel à ce service.

Mais au-delà de ces situations bien précises ?

On entend souvent dire « mon dos ne me permet pas de porter un sac à dos » par des personnes qui ne présente aucun trouble physique particulier. Cette affirmation est très rarement fondée car le sac ne se porte pas sur le dos mais pour près  des 3/4 de son poids, sur les hanches (4), le reste sur les épaules (mais en ne faisant pas appel aux muscles du dos, mais bien aux muscles antérieurs du corps pour compenser la traction du sac vers l’arrière).

Revenons à la question : que penser de ce transport régulier des sacs à dos  pour des personnes dont la condition physique  n’empêche pas le port d’un sac ?

Ou plus précisément exprimé : « qu’est-ce que je pense de cela ? ».

En ne répondant pas à cette question par la réponse  rituelle « à chacun son chemin » , je sais que je risque grandement de me faire  honnir par certains et traiter de tous les noms par d’autres .

Je me risque néanmoins…

N’est-ce pas une dérive du sens du pèlerinage vers une nouvelle forme de tourisme ? Un tourisme pèlerin.

On recherche sans conteste dans ce transport une facilitation du voyage, un allègement de la fatigue, un plus grand confort….Loin de moi l’idée que le pèlerinage doit être pénible pour être authentique. J’ai d’ailleurs précédemment écrit un article  allant dans le sens contraire (5).

Cette dérive est d’autant plus évidente lorsque l’on constate que parmi les sacs transportés, on trouve de plus en plus de sacs de voyage et d’autres bagages plus volumineux (le poids maximum d’un bagages accepté varie de 15 à 20 Kg ! Au delà, il faut payer un second bagage). Bagages qui permettent de ne plus devoir faire de lessive journalière, qui permettent de mettre le soir des vêtements plus « luxueux » que ceux des pèlerin.e.s lamda qui eux portent leur sac  à dos et  cherche donc  l’allègement…

Certaines des caractéristiques importantes du pèlerinage ne sont-elles pas d’ailleurs le fait de s’alléger des choses moins essentielles, de vivre des moments de plus grand détachement, de plus grande simplicité et oserais-je le dire… d’une plus grande austérité permettant par là une plus grande attention à soi-même et aux autres ?

Ce qui distingue  aussi  les « sans sac » de ceux et celles qui le portent, c’est le fait d’être liés à leur « tour opérateur ». En effet ayant défini leur point de chute, ils y sont liés et ne peuvent plus improviser en allongeant ou raccourcissant leur étape (pour ne pas quitter d’autres pèlerin.e.s avec lesquel.le.s  ils auraient sympathisés ou pour toute autre raison) comme peuvent le faire ceux et celles qui portent leur sac.

De plus si le choix de l’hébergement s’est porté sur une auberge publique, le dépôt du sac devant l’auberge perturbe l’ordre de priorité que constitue la fille des sacs…  et fera dire à certains qu’il y a de la triche… (Les auberges de la Junte de Galice n’autorisent d’ailleurs pas la prise et le dépôt de sacs à dos par des transporteurs et l’ACIR (6) recommande à ceux et celles qui font transporter leur sac de choisir un hébergement autre que ceux spécifiquement destinés aux pèlerin.e.s)

En conclusion : oui, pour moi , cette dérive engendre deux familles différentes : la famille des pèlerin.e.s qui portent leur sac à dos et la famille de ceux et celles qui se rapprochent de plus en plus du touriste…

Honni soit qui mal y pense…

 

 (1) Site de Sherpaontheway :  https://caminofacil.net/
Site Le Petit Bag : http://greencartrans.webcindario.com/
Site de Jacotrans : https://www.jacotrans.es/
Site de TONI Transporte :  https://toni-transporte.webci3
Site de Caminolight : https://www.caminolight.com/fr

(2) Site de El Camino deSantiago con Correos :https://www.elcaminoconcorreos.com/, consulté le 21/01/2020

(3) Site de l’Oficina de Acogida al Peregrino : https://oficinadelperegrino.com/

(4) Xavier BONACORSI, « Bien ajuster son sac à dos de longue randonnée » En ligne sur le site de Espaces :  https://www.espaces.ca/, consulté le 21/01/2020

(5) Pierre SWALUS, « Un autre regard sur le pèlerin et la… souffrance », En ligne sur le site verscompostelle  de Pierre et Simonne Swalus : https://verscompostelle.be/

(6) Agence des Chemins de COMPOSTELLE , « L’assistance à la marche », En Ligne sur le site de l’ACIR : : https://www.chemins-compostelle.com/, consulté le 21/01/2020

 mis en ligne le 22/01/2020