QUELQUES IMPRESSIONS DE NOTRE CHEMIN PAR LE CAMINO DEL NORTE |
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Article paru
dans la revue de l'Association Belge des Amis de
Saint-Jacques-de-Compostelle,
"Le Pecten ", N° 73, 2004
par Pierre et Simonne Swalus Nous avions la nostalgie du
chemin mais la foule présente sur le Camino Francès nous incitait à
choisir un autre chemin. La Via de la Plata ou le
Camino del Norte ? Dans un premier temps, nous pensions la Via de la
Plata. Mais la chaleur dans le centre de l’Espagne et la longueur de
certaines étapes pour pouvoir trouver un hébergement nous faisait
hésiter et orientait notre choix vers le Camino del Norte. Dès ce moment nous
devenions attentifs à ce qui se disait et s’écrivait sur ce chemin. Au
fur et à mesure que nous nous renseignions, nous sentions monter en nous
de l’appréhension et de la peur. Les récits faisaient état de la
nécessité d’avoir un tempérament d’aventurier pour se lancer sur ce
chemin, de la dureté du camino qui ne faisait que monter et descendre
verticalement, du balisage très déficient qui vous amenait à vous perdre
ou à devoir chercher longuement votre chemin, des nombreux viaducs qui
ne protégeaient des à-pic que par des rambardes ridicules… Simonne qui
n’aime pas les à-pic était de moins en moins rassurée ! Ne sommes nous pas trop
vieux pour nous lancer dans cette aventure ? Pourrons nous tenir le
coup ? La montagne n’est-elle pas trop impressionnante ? Bref, nous nous disions, et
disions aussi autour de nous, qu’il était fort possible que nous devions
abandonner en cours de route… Nous sommes partis le 13
mai de Irun et sommes arrivés à Santiago le 19 juin. Heureux de l’avoir
fait et quelque peu étonnés de l’avoir fait aussi facilement. En préparant le chemin,
nous nous étions dit que les 3-4 premiers jours nous suivrions la route
pour nous mettre en jambes et pour avoir moins dur que par le camino.
Mais sans que nous sachions exactement pourquoi, nous avons suivi le
camino dès le premier jour. Le chemin est plus dur
certes que le Camino Francès, (Simonne dit pas tellement) mais il nous a
semblé moins dur que bien des randonnées que nous avions faites dans le
massif central. Les chemins montent et descendent beaucoup mais à pied
cela passe facilement ; par contre nous n’aurions pas aimé devoir monter
ces longues côtes avec un vélo chargé (nous pensons à ce qu’a relaté
Agnès Adams de son expérience). La montagne n’est
impressionnante que par la beauté des paysages mais aucun précipice ou
ravin n’a gâché notre quiétude. Le balisage nous a semblé,
d’une manière générale, bon à très bon, mais quand même avec des
déficiences dont certaines très difficilement compréhensibles. La traversée des villes
est, sauf exceptions, très peu sinon pas du tout balisée, ce qui somme
toute est assez habituel. Le guide (nous avons utilisé le guide anglais)
est à ce point de vue d’une grande utilité. A certains endroits, le
balisage est très intermittent avec peu de rappel : dans ce cas, il faut
généralement continuer dans la même direction. A deux reprises, le
balisage s’est interrompu à cause des travaux autoroutiers ou de travaux
forestiers, ce que l’on peut comprendre. Ce qui est moins
compréhensible c’est que certaines lacunes ou problèmes de balisage déjà
mentionnés dans le guide anglais se retrouvent encore plusieurs années
plus tard. Il arrive aussi qu’après
tout un tronçon parfaitement balisé, le fléchage brusquement s’arrête
sans raison évidente] Mais en définitive, nous ne
nous sommes jamais perdus même si nous avons parfois dû improviser (par
exemple en choisissant dans le doute la direction ouest ou en suivant le
chemin qui longe le chantier de l’autoroute…). Il faut aussi dire que
les Espagnols connaissent très bien le camino et vous renseignent
volontiers. Après coup, nous nous
disons qu’il existe dans le regard que chacun porte sur les choses et
sur les impressions qui en sont retenues, une grande part de
subjectivité et que le plus sûr est d’expérimenter par soi-même. Nous avons aimé la beauté
de certains paysages : les magnifiques vues plongeantes sur la côte, les
criques et les plages ; la montagne très verte et très variée qui n’est
pas sans rappeler parfois des paysages de Suisse ou du Jura. Nous avons aimé l’extrême
gentillesse des gens qui spontanément sont prêts à vous aider :
l’automobiliste qui s’arrête et sort de sa voiture ou la passante qui
fait demi-tour parce qu’ils nous voient hésiter à une bifurcation et
viennent nous indiquer la direction à prendre ; la dame à qui nous
demandons comment se rendre à un lieu et qui nous y conduit (alors que
ce n’était pas son chemin); le policier qui nous conduit à
l’auberge pour nous montrer l’usage des différentes clefs ; le
consommateur dans un café qui frappe à la vitre, pour nous indiquer où
chercher la clef de l’auberge ; les personnes qui entendant que nous
parlons français, nous interpellent dans cette langue…A la différence du
Camino Francès, où les gens de l’endroit sont plutôt saturés par
l’afflux des pèlerins, ici les pèlerins beaucoup moins nombreux sont
accueillis avec plein de sympathie. Enfin la troisième chose
que nous avons appréciée, c’est le fait d’être moins nombreux, de ne pas
être bousculé dans une foule, de ne pas devoir se demander si nous
trouverons de la place au soir, et d’avoir le sentiment d’être moins
anonyme. Ceci nous a donné une impression de plus grand calme et de
plus grande détente. Sur 33 jours passés sur la Camino del Norte, nous
avons rencontré 58 pèlerins différents de 11 nationalités différentes
et 16 fois nous étions avec d’autres dans l’auberge (nous excluons
l’étape de Sobrado, la dernière avant l’arrivée sur le Camino Francès,
qui se situant dans les 100 derniers km voit déjà augmenter massivement
le nombre de pèlerins). La rencontre d’autres pèlerins redevient, sur ce
chemin, une joie et les personnes rencontrées perdent, elles aussi,
leur anonymat Nous avons beaucoup moins
aimé le fait d’être très souvent confronté à des routes. Certains jours, on côtoie,
croise et recroise la nouvelle nationale, l’ancienne nationale, la route
locale et enfin l’autoroute (ou sa préparation) ou encore des chantiers
de mise à quatre voies de la nationale. La frénésie de construction
de nouvelles routes est étonnante et entraîne des bouleversements dans
l’itinéraire suivi par le chemin car des tronçons du chemin
« authentique » disparaissent dans les travaux. Nous avons eu l’impression
d’être beaucoup plus que sur le Camino Francès dans un milieu très
urbanisé (partout on construit énormément de nouveaux immeubles à
appartements ou des quartiers de « chalets »). On traverse peu de
village ayant gardé leur caractère « authentique » et les villes, très
nombreuses, sont modernes et très touristiques. On traverse aussi
longuement des zones industrielles très importantes (nous pensons par
exemple à ce qui suit la ville de Bilbao, aux industries d’Arcelor et de
Solvay…) Malgré la beauté et la
majesté de nombreux paysages, nous gardons l’impression d’être moins
dans la nature et moins sur un chemin authentique que sur le Camino
Francès. Nous sommes très heureux
d’avoir pu faire ce chemin et de découvrir que toutes les appréhensions
que nous avions au départ se soient révélées injustifiées. Mais sans conteste à
choisir entre le Camino del Norte et le Camino Francès, et s’il
n’y avait pas la foule qui s’y presse, notre préférence irait à
ce dernier pour sa simplicité et son dépouillement.
AVANT DE PARTIR
APRÈS L'AVOIR FAIT
CE QUE NOUS AVONS AIMÉ
CE QUE NOUS AVONS MOINS AIMÉ
EN CONCLUSION