IL Y A DES VRAIS PÈLERINS ET D’AUTRES MOINS VRAIS : LE VRAI EST CHRÉTIEN… |
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Que cette question
soit effectivement un sujet sensible m’est
apparu en 2017 par les réactions en sens
divers que suscita un petit article que
j’avais fait paraître sur facebook(3).
Dans cet article, je
reprenais le texte d’un poème anonyme du
XIIIème siècle(4) vantant l’accueil offert
par le monastère de Roncevaux et qui
disait « La
puerta se abre a todos, enfermos y sanos,
no sólo a católicos, sino aun a paganos, a
judios, erejes, ociosos y vanos ;y
más brevemente, a buenos y profanos »
(La porte est ouverte à tous, aux malades et
aux bien-portants, pas seulement aux
catholiques, mais aussi aux païens, aux
juifs, aux hérétiques, aux oisifs et aux
vaniteux ; en bref, aux gens de bien
comme aux profanes). Je relevais dans cet
article le fait remarquable que l’ouverture
du chemin de Compostelle à des mécréants de
toutes sortes n’était pas un phénomène
nouveau. Et malgré le fait que cet
article ne faisait que conforter l’ouverture
du pèlerinage à tous quelles que
soient leurs convictions, il
suscita, à ma grande surprise,
des réactions nombreuses et en sens très
divers : allant
de la réaffirmation de cette
ouverture :
à l’étonnement que la question
soit soulevée : à l’incompréhension ou au
rejet de la
question :
en passant par l’affirmation de
son statut de non
croyant :
ou à l’affirmation de ne pas
être un pèlerin : en passant par le rappel de la
définition du mot
« pèlerin » :
Et
effectivement, suivant le Larousse,
le pèlerin est une
«
Personne qui
va visiter des hauts lieux de piété dans
un but essentiellement religieux. »(5)
Que
cette définition soit gênante dans la
problématique évoquée va de soi et ce n’est
pas pour rien qu’un site maçonnique parle
lui de « cheminants »
plutôt que de pèlerins « parce que
ce dernier mot emporte avec lui une
connotation religieuse réductrice au
regard de l'universalisme des Chemins et
de la diversité des cheminements »(6).
Cependant l’idée qu’il ne faut pas
chercher sur les chemins de pèlerinage à
définir qui est pèlerin et qui ne l’est pas,
est défendue par beaucoup et certainement
par ceux qui les connaissent le mieux pour
les avoir accueillis en grand nombre.
Citons l’abbé SÉBASTIEN IHIDOY(7),
curé de Navarrenx de 1981 à 2001, grande
figure du chemin, qui a accueilli
quantité de pèlerins dans son presbytère et
JEAN-MARC LUCIEN(8) qui lui aussi a vu
passer chez lui, à Saint-Privat
d’Allier, des milliers de pèlerins de toutes
sortes et pour qui « est pèlerin
celui qui se définit comme tel ».
Mais ces prises de position de personnes qui
font autorité sur les chemins, sont de
l’ordre de la subjectivité et il a été dit
qu’ « un fait est plus fort qu'un
lord-maire ».
Et donc, au delà des paroles, que nous
montrent certains faits ?
Un
premier fait : la
« Compostela ». Il est dit qu’elle
est accordée à ceux qui « make the
pilgrimage for religious or spiritual
reasons, or at least an attitud of search… »
(9). ce qui montre une ouverture au non
croyant, mais le texte sur la Compostela par
contre dit que « « un
tel » hoc sacratissimum Templum
pietatis causa devote visitasse. »
c. à d . « qu’un tel » a visité ce
temple sacré avec des sentiments religieux
(la traduction donnée par l’office des
pèlerins est « has devotedly
visited this most sacred temple with
Christian sentiment (pietatis causa). »
(10). Texte qui met le non croyant
manifestement en porte-à- faux.
Un
second fait : « l’accueil
francophone Saint Jacques de
Compostelle » mis en place par les
Évêques de France avec l’appui de l’Église
de Santiago(11). Accueil donc, on ne
peut plus chrétien. Dans la tête de celle
qui fut l’inspiratrice de cet accueil
résonnait les mots “accueil,
accompagnement, évangélisation”(12).
Le programme proposé est bien évidemment
centré sur une approche chrétienne.
Autre
fait : « Les associations
jacquaires » dont le journal La Croix
dit que « la dimension religieuse,
plus ou moins marquée, est présente dès
lors qu'il y a « Saint-Jacques » dans le
nom de l'association, et qu'elle parle de
« pèlerin » »(13) . Même si
certaines d’entre elles s’affichent
comme laïques ou pluralistes, si d’autres
sans se définir comme telle ne se
définissent pas non plus comme étant
confessionnelles et si la plupart sont
totalement ouvertes aux non chrétiens et
respectueuses de la démarche personnelle de
chacun, beaucoup cependant sont
d’orientation franchement chrétienne. Cela
se manifeste notamment dans la personne de
leurs dirigeants, dans les mots de leur
président ou encore dans le soutien
accordé, en tant qu’association, à
l’accueil francophone à Compostelle. Pour ce
dernier point citons parmi d’autres la
« Fédération
Française des Associations des Chemins de
Saint Jacques de Compostelle »,
l’ « Association
suisse des Amis du Chemin de Saint-Jacques »,
l’ « Association
Belge des Amis de
Saint-Jacques-de-Compostelle »,
l’ « Association Québécoise
des pèlerins et amis du chemin de
Saint-Jacques »ou
encore la
« Société française des Amis de
Saint-Jacques de Compostelle »(14)
dont aucune ne se définit comme
confessionnelle(15).
Il
est évident que ces faits sont tout à fait
logiques. Saint Jacques est sans conteste
une figure de l’église catholique ; le
tombeau supposé de saint Jacques appartient
à l’histoire de l’église de
Compostelle et le pèlerinage vers
Compostelle est à l’origine un pèlerinage
chrétien…
Alors…?
Alors,
il semble normal d’accepter qu’une ambiguïté
continue d’exister quant au statut de
pèlerin vers Compostelle. Celui qui se met
en route vers Compostelle, croyant ou
mécréant, croit, en général, savoir
pourquoi il part, il le sait parfois
clairement, parfois aussi d’une
manière extrêmement confuse. Parfois aussi,
sa motivation change-t-elle en cours
de route. Ce qui est objectif dans cette
démarche est le fait de se mettre en
chemin ; ce qui est subjectif et donc
sujet à interprétation, c’est le
pourquoi…
En
acceptant cette ambiguïté, on ne peut plus,
face à celui qui se dit pèlerin, se risquer
à juger s’il est un vrai pèlerin ou un moins
vrai.
Pour
terminer je ne puis m’empêcher de reprendre
ici un texte (parce que je l’aime) qui,
parlant du touriste et du pèlerin, en
dit ceci : « Le
rapport
à l’étranger est peut-être essentiel dans
le
pèlerinage : peregrinus était
en latin le voyageur, l’étranger ; le
pèlerin fait l’expérience d’être un
voyageur sur la terre, un étranger en
chemin et sur le lieu de son pèlerinage.
Par contre
le touriste recherche le dépaysement mais
il ne se sent pas étranger sur son lieu de
vacances : l’étranger c’est
l’autochtone, qui est donc prié tout à la
fois de garder son étrangeté (facteur de
dépaysement) et de s’adapter aux désirs
des touristes »(16).
(17)
Cette idée cadre bien avec cet adage si
souvent répété (mais à mon sens très
contestable) « le touriste
exige, le pèlerin remercie ».
(1) CAUCHIE
Jean-Marie, « Quels chemins pour quel
Saint-Jacques ? Ou du besoin de se
« recentrer » sur le
spirituel… »., Le Pecten,
2011, N°101, pp. 7-8
(2) SWALUS
Pierre, « A propos des vrais pèlerins
et des autres beaucoup moins
vrais… », Le Pecten,
2012, N° 102, p. 29
(3)
SWALUS Pierre, « La porte est
ouverte à tous », En ligne sur le
site Vers Compostelle de Pierre et Simonne
Swalus :
https://verscompostelle.be/
(4)
Ce texte manuscrit dont un exemplaire est
conservé aux Archives de Roncevaux et
un autre à Munich a été publié pour la
première fois par F. FITA en 1884 :
FITA Fidel, Boletin de la Real
Academia de la Historia, Madrid,
t. IV, 1884, pp.172-184 cit.in :
LAMBERT Élie. « Roncevaux ». In:
Bulletin Hispanique. Tome 37,
N°4, 1935. p. 424.
http://www.persee.fr/ (5)
Dictionnaire
du Français Larousse , En
ligne :
http://www.larousse.fr/ (6)
Anonyme,
« Pourquoi mettez-vous une majuscule
à chemin, pourquoi parlez-vous de
cheminants, pas de pèlerins? » En
ligne sur le site La Ruta Jacobea. Mesnie
des trois chemins :
http://rutajacob.free.fr/ (7)
IHIDOY
Sébastien, « Le devoir et le
privilège d’accueillir »,
Le Bourdon, 1996-97, n° 11,
pp. 3-4 (8)
LUCIEN
Jean-Marc, « Pèlerins et randonneurs
sont-ils si différents ? »
En ligne sur le site Webcompostela :
http://www.webcompostella.com/
(supprimé du site depuis) (9)
« The Compostela » :
En ligne sur le site de l’Office des
Pèlerins : https://oficinadelperegrino.com// (10)
Ibidem :
https://oficinadelperegrino.com/
(11)
Web Compostella , « Accueil
francophone Saint Jacques de Compostelle »
En ligne sur le site de Web
Compostella ; Conseils pratiques et
éclairages spirituels sur les chemins de
Saint Jacques :
www.webcompostella
.com/
(12)
Ibidem , « Accueil francophone
en 2015 » En Ligne sur
www.webcompostella.com/
(13)
De COUTARD Gwénola, « Tout au log du
chemin de Saint-Jacques, les associations
aident les pèlerins » En ligne sur le
site La Croix :
https://www.la-croix.com/
(14)
Web Compostella , « Partenaires et
donateurs » En ligne sur
www.webcompostella.com/
(15)
La FFACC : pluraliste ;
l’Association Helvétique : neutre ;
l’ABASJC : pluraliste ;
l’Association Québecoise : non
confessionnelle ; la Société
française : ne se définit pas.
(16)
Anonyme , « Le touriste et le
pèlerins », En ligne sur le
site « I quès és la
veritat » :
https://thomasmore.worldpress.com/
(17)
Il est d’ailleurs frappant de constater
combien nombreux sont les pèlerins qui
arrivés à Compostelle se sentent étrangers
face à la foule de touristes de toutes
sortes qu’ils côtoient…
mis en ligne le
06/03/2018
Article publié
dans la revue électronique "Les zoreilles du
chemin", N° 084, 2018, pp.7-8
Un sujet épineux :
« qu’il y a des vrais pèlerins et
d’autres moins vrais ; que le vrai est
chrétien… »
par Pierre Swalus
pierre.swalus@verscompostelle.be
Cette question « le
non chrétien est il un pèlerin à part
entière sur les chemins de
Compostelle ? » ne m’était
jamais apparue au cours de nos différents
pèlerinages vers Saint Jacques. Évidemment
pas au cours de nos deux premiers car nous
étions, ma femme et moi, encore à cette
époque des chrétiens convaincus quoique
très critiques face à l’institution
religieuse, mais pas plus au cours de nos
pèlerinages suivants, alors que nous
avions progressivement évolués vers
l’agnosticisme pour ne pas dire
l’athéisme…
Nous étions et sommes
toujours membre d’une association
jacquaire dont la devise est « À
chacun, son chemin » et il nous
semblait évident que n’importe qui se
mettant en route vers Compostelle était
sans conteste, un pèlerin.
Une fois seulement, un
article écrit dans la revue de
l’association par un membre éminent de
celle-ci, qui disait entre autre chose
« qu’il
est de notre devoir, à nous jacquaires
convaincus s’il en est, d’en (du
pèlerinage) rappeler le véritable sens,
qui n’est rien s’il ne s’ancre dans la
foi chrétienne ; une foi qui peut
être vécue de bien des manières mais qui
repose toujours sur un socle intangible
où Dieu, les saints, la prière et
l’offrande ont leur place »(1)
m’ avait fait
réagir dans un article réponse.(2)
dans la même revue, article dans lequel je
rappelais la devise de notre association
et aussi qu’il n’est pas nécessaire d’être
chrétien pour être en quête de sens et de
spiritualité
« Dante a dit : "est
pèlerin celui qui part pour
Compostelle. " donc, nous sommes tous
pèlerins, cathos ou non »
« …avec les pèlerins qui
faisaient le même chemin que
moi, jamais la question
« t'es de quelle religion ?»
n’a été posée… »
« Je ne comprends pas bien cette
réflexion… »
« Quelle importance. A
chacun ses motivations personnelles… »
« …arrêtez de vous posez
des questions métaphysiques sur qui
est catho et qui ne l’est pas… »
« Oui, je fais partie des
mécréants… »
« Je suis athée et j'ai
fait le pèlerinage… »
« …j'emprunte ce chemin comme un
randonneur et non comme un pèlerin. »
« …et plus je marche plus
je me sens randonneuse…. »
« on change les dictionnaires
comme on veut ?» en réponse à
l’affirmation «croyant ou non
croyant, on est tous des pèlerins ».