Article paru
dans la revue de l'Association Belge des Amis de
Saint-Jacques-de-Compostelle, "Le Pecten ", N° 96, 2010,
pp. 11-13
Le colloque avait été organisé par le Centre de recherches en histoire
du droit et des institutions (CRHIDI - Faculté Saint-Louis) et
l'Association Belge des Amis de Saint-Jacques-de-Compostelle
par Pierre Swalus
Lors de la dernière
séance du colloque, il n’y a pas eu, comme c’est souvent l’usage, de
conclusions tirées par les organisateurs. Je me suis demandé quelle
conclusion je pourrais en tirer pour moi-même. Les lignes qui suivent
sont consacrées à l’élaboration de cette conclusion et aussi à quelques
réflexions à propos de colloque.
Comme première
réflexion, l’émission d’un regret : le regret que ce colloque n’ait pas
suscité un plus grand intérêt des membres de notre associations : le
pourcentage de membres présents (sur près de 1300 membres) était
vraiment dérisoire. On aurait aussi pu aussi espérer un plus grand
intérêt des historiens et chercheurs. Mais, peut-être, les invitations
dans ce domaine ont-elles été trop sélectives ou manquaient-elles
d’ouverture ?
Dommage pour les absents, mais aussi pour les présents, auditeurs et
conférenciers, car l’investissement important des organisateurs, la
qualité du colloque et de son organisation méritaient une présence plus
étoffée. Félicitations et merci au CRHIDI et à notre Association et plus
particulièrement à Pierre Genin, Jacques Degehet et Francis Hiffe,
Jean-Marie Cauchies, agents de ce succès.
Passons maintenant
à quelques réflexions suscitées par le contenu de certains exposés.
Rappelons tout d’abord que l’objet du colloque était « L’encadrement des
pèlerins du XIIe siècle à nos jours ».
L’encadrement des
pèlerins De Nos Jours, particulièrement dans son aspect
d’accueil, a été bien mis en valeur dans les communications.
La communication de
MONIQUE CHASSAIN faisait état de la création sur la voie de Vézelay de
nombreux refuges destinés aux pèlerins.
LOUIS JANIN nous a,
avec beaucoup de chaleur, décrit le rôle des nombreux hospitaliers qui
se mettent avec générosité et désintéressement au service des pèlerins
des temps présents.
BERNARD OLLIVIER,
pèlerin de Saint-Jacques et grand marcheur sur les 12.000 Km de la route
de la soie, nous a quant à lui, décrit l’association « Seuil » qu’il a
créé et qui depuis plus de 10 ans encadre et cherche à réinsérer des
jeunes délinquants en les accompagnant notamment sur les chemins vers
Compostelle. Son témoignage très prenant, a mis en évidence que « le
pèlerinage judiciaire ou pénitentiel » de notre époque est mieux
préparé, encadré et suivi qu’il ne l’était aux siècles passés et que
l’investissement humain des accompagnateurs est de la plus grande
importance.
Ces diverses
communications concernaient les temps présents, voyons maintenant ce que
les communications nous ont apporté concernant les Siècles Passés.
GERARD JUGNOT nous
parle des réseaux d’accueil aux pèlerins et pose à leur propos, la
question : mythe ou réalité ? Partant du « guide du pèlerin » attribué
à Aymeric Picaud, et en étudiant particulièrement les étapes telles
qu’elles y sont décrites sur le Camino Francés, le conférencier cherche
à voir dans quelle mesure l’existence à l’époque de lieux d’accueil pour
pèlerins (couvents, hôpitaux... ) pouvait conforter la pertinence de ces
étapes. La réponse à cette dernière question est NON. Sans dire que
l’existence d’un réseau d’accueil est un mythe, l’étude historique ne
permet pas non plus de dire qu’il est une réalité…
GASTON BRAIVE
étudie lui l’accueil des pèlerins en Roman pays du Brabant. La majorité
des archives des institutions qui auraient pu héberger des pèlerins ont
malheureusement disparus dans les incendies de Nivelles et de Mons en
1940. Si l’hostellerie de Noirhat a conservé ses archives, elle est
plutôt caractérisée, comme le dit l’auteur, par une sorte de pèlerinage
à l’envers partant de Soisson vers l’Allemagne. On ne peut donc pas
affirmer que cette hostellerie ait été un lieu d’accueil pour les
pèlerins vers Compostelle.
En ce qui concerne l’importante abbaye de Villers-la-Ville, si les
archives font fréquemment mention d’accueil de « sponsors » et de repas,
banquets et réceptions donnés en leur honneur, elles ne font jamais
mention d’accueil ou d’hébergement de pèlerins…
A nouveau, il n’est pas possible d’affirmer que cette abbaye importante
ait été un lieu d’accueil de pèlerins.
La question à
laquelle tente de répondre JEAN-MARIE CAUCHIES concerne elle
l’existence ou non d’un droit ou de lois et réglementations propres aux
pèlerins au XVIe siècle dans les anciens Pays-Bas.
S’il est fréquemment fait mention du pèlerin dans la législation et les
règlements, il est par contre toujours associé aux autres voyageurs,
commerçants, vagabonds ou mendiants. On se méfie du pèlerin et on se
prémunit contre lui, comme on le fait à l’égard de tout étranger et
SDF. La réponse à la question initiale posée est : NON, il n’y a pas au
XVIe siècle de législation ou de droit propre aux pèlerins.
DENIS CLAUZEL ne
dit pas autre chose en ce qui concerne la législation aux XIVe-XVIe
siècles dans les villes du Nord de la France. Là aussi le pèlerin était
rangé dans la catégorie des étrangers de passage et ne bénéficiait pas
de privilèges particuliers.
Finalement le seul
encadrement particulier du pèlerin que le colloque met en évidence
concerne les pèlerins par condamnation (les pèlerinages judiciaires).
Ces pèlerinages sont clairement définis dans la sentence et les
conditions de réalisation en sont sévèrement règlementées mais ne se
limitent pas au pèlerinage vers Compostelle.
Que conclure ?
Au début du
colloque, un des premiers intervenants, parlant du « Guide » d’Aymeric
Picaud lançait une critique discrète à la thèse défendue par Denise
Péricard-Méa
selon laquelle ce guide (manuscrit) n’aurait très probablement été que
très rarement lu avant sa première édition en latin en 1882. Plus
largement la FERPEL estime que trop de faits en rapport avec le
pèlerinage à Compostelle sont présentés comme vérités historiques alors
que les études historiques ne permettent pas de les étayer.
En fin de colloque,
lorsque j’examine ce que je retiens des exposés mentionnés dans cet
article, je conclus que loin de contredire en aucune manière les thèses
de la FERPEL, ils vont dans le même sens, en nous disant que dans la
limite des documents historiques étudiés, ces exposés ne permettent pas
de mettre en évidence un véritable encadrement des pèlerins aux siècles
passés.
Une autre
conclusion toute personnelle (et qui n’engage que moi) faisant suite à
diverses questions et interventions (et aussi à ma connaissance du monde
jacquaire) m’amène à regretter que dans ce monde dans lequel tant
d’organismes, d’associations, de bénévoles dévoués et de chercheurs
œuvrent tous pour une meilleure information et un meilleur encadrement
des pèlerins et pour une meilleure connaissance du phénomène jacquaire,
à côté de tant de générosités et de collaborations remarquables existent
aussi trop de rivalités, d’ antagonismes et d’ostracismes.
Si la devise de notre association est
« à chacun son chemin », je rêve d’un monde jacquaire dont la devise
serait « à chacun ses charismes ».