Article paru
dans la revue "Camino ", n°177
GRANDE RANONNÉE OU PÈLERINAGE
par Pierre Swalus
pierre.swalus@verscompostelle.be
Un ami me
parlant de la relation faite par un pèlerin de son pèlerinage et de ce
qu’il y avait trouver pour lui-même, me disait que en l’écoutant il
avait été déçu du peu de lien fait avec Compostelle et qu’il avait
pensé que ce pèlerin aurait pu trouver la même chose en marchant sur un
GR…
Cette
remarque m’a amené à réfléchir à ce qui différenciait le GR du chemin de
pèlerinage ou autrement dit : en quoi le pèlerinage se différencie-t-il
d’une randonnée ?
Je devrais
pouvoir trouver des réponses à cette question puisque avant d’être des
pèlerins nous avions été , ma femme et moi, des randonneurs et que entre
nos pèlerinages, nous avions continué à randonner (nous avons été 7
fois à Compostelle et avons d’autre part fait 26 randonnées)[i]
.
La première
fois que cette question nous fut posée, c’était en 1990 lors de notre
premier pèlerinage et nous entendions de la bouche d’un pèlerin allemand
que nous rencontrions régulièrement, dire : « Nous avons plus beau en
Allemagne… Ce n’était pas la peine de venir si loin ! Trop de marche
sur les routes. ».
Dans son
journal, Simonne (mon épouse) écrivait le soir: « Il m’a fait toucher du
doigt toute la différence qu’il peut y avoir entre le chemin d’un
"GR" et celui d’un pèlerinage. Lors du pèlerinage nous accomplissons
le chemin comme une tranche de vie où l’on prend tout : le bon, le moins
bon, le beau, le quelconque. On ne sélectionne pas. Il pleut, la route
est mauvaise, il fait trop chaud. On continue, on ne prend pas le bus
pour autant ! On accomplit le chemin quel qu’il soit. On l’accepte et
on le fait jusqu’au bout (si c’est possible !)… /… si le trajet a été
beau et merveilleux, tant mieux. C’est une joie supplémentaire, c’est
comme un cadeau.
Sur le GR nous cherchons le beau, le pittoresque. Si le chemin
devient trop quelconque on va voir ailleurs, s’il pleut trop longtemps,
on peut arrêter… ».
Ceci me
semble déjà une réponse mais on peut réfléchir plus avant.
On pourrait
se demander si un pèlerinage ne se distingue pas par le fait que, d’une
part, on marche sur un chemin de pèlerinage et que d’autre part on y
côtoye de nombreux autres pèlerins ?
Notre
expérience nous dit que cela n’est pas suffisant comme distinction. :
lorsque nous sommes partis de chez nous en Belgique pour rejoindre la
première fois Vézelay, puis Le Puy, ensuite Montpellier et enfin Tours,
nous n’avons pas suivi un chemin de pèlerinage tracé, nous avons établi
notre propre itinéraire et nous n’y avons rencontré aucun autre pèlerin…
et sur notre premier chemin (en 1990) nous avons dû attendre la montée
vers Roncevaux pour rencontrer les premiers pèlerins. Et cependant pour
nous, nous étions à notre 60ème jour de pèlerinage !
Bien que les
rencontres avec d’autres pèlerins soient une des richesses apportées par
le pèlerinage, ce ne sont pas elles qui définissent le pèlerinage, pas
plus d’ailleurs que le chemin suivi.
Ce dernier
point est encore confirmé pour nous par le fait que nous avons marché
sur les mêmes itinéraires en pèlerins et en randonneurs. En 1994 nous
avons pérégriné jusqu’à Compostelle en empruntant en France le chemin
passant par le Puy-en-Velay, et en 1997, nous avons randonné du Puy à
Cahors.
Qu’est-ce
qui distinguait ces deux marches ? D’abord, le fait que lors de notre
pèlerinage si nous suivions en gros les villes-étapes du GR, nous
abandonnions allègrement le GR lorsque des chemins de traverse étaient
plus directs, tandis que lors de notre randonnée, nous avons suivi en
totalité les 325 Km du sentier balisé. Ensuite par le fait que nous
n’étions pas dans les mêmes dispositions d’esprit : dans le premier cas,
nous étions des pèlerins et dans le second, nous étions des
randonneurs !
Il nous
semble donc clair que ce qui distingue une « randonnée sur un GR » d’un
« pèlerinage », c’est avant tout l’état d’esprit de celui qui se met en
marche. Comme le disent J CHÉLINI & H.BRANTHOMME « Le pèlerinage
fonctionne comme la manifestation matérielle d’un itinéraire
spirituel… /… Le pèlerin s’engage totalement, physiquement et
spirituellement… »[ii].
C’est parce
que le marcheur s’engage dans une démarche spirituelle, d’ouverture, de
questionnement, d’écoute, de recherche, de lâcher prise,
« qu’il entre dans la grande famille des pèlerins et que son chemin
devient un chemin de pèlerinage »[iii].
[ii]
Jean CHELINI et Henry BRANTHOMME, Les pèlerinage dans le monde . A travers le temps et l’espace,
Hachette, 2004, p. 439
[iii]
Michel GUILLAUME, (membre du conseil d’administration de
l’Association Belge des amis de Saint Jacques de
Compostelle), dans un mail
mis en ligne le 16/01/2017