LE PÈLERINAGE À SAINT-JACQUES DE COMPOSTELLE RAPPORTE |
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LE PÈLERINAGE À SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE RAPPORTE
Par
Pierre SWALUS
Le pèlerinage coûte au
pèlerin : le déplacement, les achats divers, le logement, la
nourriture ne sont pas gratuits. A l’inverse, le pèlerinage
rapporte à ceux qui offrent et vendent des services aux
pèlerins..
Que le pèlerinage vers
Compostelle soit un outil de développement économique des
régions traversées, est une évidence dont on ne peut que se
réjouir.
Ainsi, nous avions déjà
rapporté dans un article précédent (1) les résultats de
l'étude faite par la "Federación Española de Asociaciones
de Amigos del Camino de Santiago" (2) qui montrait qu’en
2016 les pèlerins avaient contribué pour plus de 280
millions d’euros à l’économie des régions traversées.
À Saint-Jean-Pied-de-Port,
le maire se réjouissait en 2019 de constater que les
retombées économique pour sa ville avoisinaient les 3
millions d’euros (3).
On peut très bien
comprendre que cet apport économique réjouisse les autorités
locales et qu’en conséquence elles cherchent à favoriser le
pèlerinage en améliorant les conditions d’accueil,
l’implantation de nouveaux services et de nouvelles
infrastructures. Ce faisant elles pensent avant tout aux
retombées financières pour leurs administrés et pour leur
région en général. Elles jouent ainsi parfaitement leur
rôle.
Par contre ce qui pose
problème et suscite un questionnement c’est le mélange des
genres.
Ainsi une lettre récente
(4) de la Xunta de Galicia (Gouvernement de la région) aux
associations jacquaires, les félicite pour le travail de
promotion du chemin qu’elles ont accompli et les encourage
à continuer dans l’avenir. Résumé et formulé ainsi, il n’y
a rien à redire. Mais une analyse plus détaillée du discours
porte à réflexion.
Une première phrase est
très claire : « Le gouvernement galicien accorde des
subventions aux personnes et aux organisations qui se
démarquent pour le travail exceptionnel qu’ils ont accompli
au profit de notre région ». Dans cette phrase aucune
ambigüité n’est présente : on remercie les associations car
elles ont contribué au développement de la région et pour
cela on les subventionnera. (Il reviendra aux associations
jacquaires de décider si elles souhaitent se laisser payer
pour leur action en faveur du développement de la région de
Galice).
Le reste de la lettre est
d’un tout autre ton, elle encense « les dépositaires de
l’ancienne tradition de l’hospitalité jacobéenne .../… leur
contribution au maintien de l’esprit des différents
itinéraires…/… » et elle met en exergue « les valeurs du Camino…le besoin d’hospitalité, de générosité, d’harmonie,
d’une culture du travail acharné, la capacité de
sacrifier.../… » dont les associations sont « les plus
grands et meilleurs défenseurs ».
Si la lettre s’était
contenté de remercier pour le travail accompli et pour
l’apport au développement de la région, il n’y aurait rien
eu à redire. Mais le salmigondis qui enveloppe le discours
est un mélange des genres difficile à digérer…
Ce qui nous étonne et nous
alarme quelque peu, est que ce mélange des genres n’est pas
le propre des autorités publiques mais qu’il contamine aussi
certaines associations jacquaires.
Ainsi l’association
jacquaire de Jaca estime que la région ne fait pas assez
pour améliorer l’infrastructure et les commodités sur le
chemin aragonais. Si elle regrette vivement cet état de
chose, ce n’est pas en pensant au bien des pèlerins, mais
en pensant à l’apport économique de plus de 5 millions que
pourrait engendrer le développement du pèlerinage dans la
région (5). Ici le discours n’est plus celui d’une
association jacquaire mais celui d’un office de tourisme ou
d’une association de commerçants.
Autre exemple de mélange
des genres est le fait d’un responsable d’une association
jacquaire : il s’agit d’un post sur Face Book du président
de l’ « Association de Compostelle en Touraine – Voie de
Tours », qui estime à plus de 1 million d’euros ce que
pourrait idéalement rapporter les pèlerins par leur passage
dans la ville de Tours et qui regrette qu’il n’en soit pas
ainsi. Son regret porte apparemment plus sur le manque
d’emplois créés que sur le faible nombre de pèlerins
empruntant ce chemin…(6).
Si l’on confond
parfois l’intérêt du pèlerin avec celui des acteurs de
terrains offrant des services, il arrive également que l’on
oublie qui est au service de qui et que de ce fait on
inverse la relation. Les acteurs de terrain ne sont plus au
service des pèlerins mais ceux-ci deviennent nécessaires aux premiers.
L’appel au don adressé aux
pèlerins par la FFACC pour compenser les pertes de rentrées
financières dues au Covid 19 (« Avec la crise sanitaire TOUS
les hébergements ont été fermés et seulement quelques uns
pourront ouvrir cet été.
Bien sûr il est normal que
les pèlerins couvrent les frais engendrés par les services
que les associations leurs rendent, mais les associations
jacquaires sont-elles au service des pèlerins ou les
pèlerins au service des associations ?
Que penserions-nous si les
éditeurs de guides pour les chemins de Compostelle faisaient
appel aux dons des pèlerins parce qu’ils ne vendraient plus
leurs guides pour cause de Covid 19 ? On pourrait objecter
que les éditeurs de guides sont des commerçants, mais, avant
de l'être, ils ont été, pour la plupart, des
pèlerins qui ensuite se sont investis pour aider d’autres
pèlerins à se mettre en chemin et sont devenus des
professionnels. Nous pensons ici à François
LEPÈRE , Gérard ROUSSE, Jacques CLOUTEAU et avant eux à
l’abbé BERNES.
De plus, on peut s’interroger sur l’ouverture par des
associations jacquaires d’hébergements pour pèlerins. Ne
seraient-elles pas plus dans l’esprit du pèlerinage si elles
encourageaient leurs membres à ouvrir leur porte à des
pèlerins en donativo ou en leur demandant une
participation financière modeste. Ouvrir un gîte c’est
s’engager dans une opération qui doit être rentable et donc
risquer de glisser vers le mercantilisme.
Le lieu d’accueil et d'exposition ouvert au Puy-en-Velay par
la FFACC, dans un local mis gracieusement à leur
disposition par la Communauté d'agglomération, en déficit de 6.000 € du fait de covid 19, car les
« pèlerins » n’achètent plus de crédencial, a-t-il vraiment
sa raison d’être. Les « pèlerins » arrivant au Puy savent
pertinemment bien ce qu’ils vont faire (le battage
publicitaire de la ville du Puy et des médias est
suffisamment efficace). Un grand nombre d'entre eux vont
« faire le Puy-Conques ». Ils n’ont nul besoin du lieu
d’accueil de la FFACC pour obtenir une credencial : ils
peuvent l’obtenir sans problème à la cathédrale… Que vient
faire la FFACC dans ce haut lieu du tourisme « religieux »?
Ceci d’autant plus que les Amis de Saint Jacques du Velay
accueillent tous les jours les pèlerins autour d’un verre de
l’amitié de 17h 30 à 19h 30. (8)
Le risque, qu’une
association jacquaire, de par son investissement de plus en
plus grand au service des pèlerins, ne dérive vers une forme
de mercantilisme, n’est pas nul.
A ce jour, seule la
« Fédération Européenne des chemins de Saint-Jacques de
Compostelle » est une entreprise de développement
touristique à visées mercantiles et non une association
jacquaire au
service des pèlerins.
Nous formons le vœu que les
Associations jacquaires puissent garder leur caractère de
service désintéressé et puissent rester vigilantes face au
risque de confusion des genres…
----------------------------------------
(1) SWALUS Pierre, Le chemin de Compostelle : un
entreprise qui dépasse déjà les 280 millions d’euros par an,
En ligne sur le site « Vers Compostelle » :
https://verscompostelle.be/entrepri.htm
(2) de RODRIGUES MANO, El Camino de Santiago ; un
negocio que ya supera los 280 millones de euros al año,
A Coruña, 09/01/2018, En ligne sur le site de « Faro de
Vigo » :
http://www.farodevigo.es/
(3) ALLEVI
Jean-Jacques, L’impact du pèlerinage de Compostelle
sur Saint-Jean-Pied-de-Port, En ligne sur le site
« Le Point » :
https://www.lepoint.fr/consulté
le 11/10/2019
(4) En ligne sur la
page Face Book de l’ « Association belge des Amis de
Saint-Jacques de Compostelle » :
https://www.facebook.com/
(5) Asociación de
Amigos del Camino de Santiago de Jaca, El Camino de
Santiago aporta 5,6 millones a la Jacetania, En
ligne sur le site « Camino de Santiago. El camino de la
estrellas » :
https://www.caminosantiago.org/
(6) HUGUET Jean-Luc, post , En ligne sur le site « Chemins
de Compostelle en Touraine Voie de Tours »
https://www.facebook.com/groups/
le 15/03/2018
(7) FFAACC, Opération
Don Camino 2020 , En ligne sur le site de la
« Fédération Française des Associations des Chemins de
Saint-Jacques de Compostelle » :
http://www.compostelle-france.fr/
consulté le 08/07/2020
(8) Anonyme, L’Accueil des pèlerins au Puy en Velay.
Rencontre et échange, En ligne sur le site de « la
Cathédrale Notre-Dame du Puy » :
https://www.cathedraledupuy.org/ Mis en ligne
le 10/07/2020
pierre.swalus@verscompostelle.be
Certaines associations sont en difficultés financières en
raison des frais [loyers, taxes….] qui restent à leur charge
[perte estimées 12.000 €].
D’autres qui vivent grâce à la vente de credential ont perdu
leurs ressources [perte estimée 7.000 €]… ») (7) ne va pas
sans poser question.