Article paru
dans la revue de l'Association Belge des Amis de
Saint-Jacques-de-Compostelle "Le Pecten ", N° 66, 2002 pp. 15-19
par Pierre et Simonne Swalus
MOTIVATIONS
Nous
avions décidé ( ?), pour fêter nos 50 années de mariage, de faire une
fois encore le chemin vers Compostelle . Décision facile à prendre car
nous sommes des inconditionnels de longues marches et de randonnées. De
plus nous aimons ce lent cheminement, cette retraite (ce retrait de la
vie de tous les jours). Ce recul par rapport au quotidien et tout ce
qu’il implique, a été pour nous l’occasion de faire resurgir couche
après couche, au fil du temps qui s’écoule lentement, les différentes
étapes de notre « vécu » à deux.
Le choix du chemin en France
s’imposait à nous puisque la voie de PARIS‑TOURS était la seule que nous
n’ayons encore suivie. En 1990 nous avions cheminé par la route de
VÉZELAY, en 1994 par le PUY–EN-VELAY et en 1999 par la voie de ARLES.
Ce n’était pas un hasard si le
chemin par Paris était le dernier à être choisi. En fait, ce chemin nous
semblait le moins signifiant, moins porteur de signes que les autres.
Les trois autres chemins traversaient des régions de France plus variées
dans leur aspect, croisés ou suivis par des GR et de ce fait assez
bien équipés en gîtes d’étape. Le chemin par Paris, par contre, nous
semblait le moins beau à parcourir, car cheminant essentiellement en
régions de plaines et de ce fait aussi mal équipé en gîtes d’étape.
Enfin, Paris nous apparaissait comme une étape peu attirante surtout par
la longue traversée de ses faubourgs.
Mais puisque c’était le seul chemin
que n’ayons parcouru, nous l’avons « choisi »…
L’ÉTABLISSEMENT DE NOTRE ITINÉRAIRE
L’itinéraire, à partir de
notre domicile à Mazy, fut préparé au cours du dernier trimestre de
l’année 2001.
Le guide de Rando Éditions de Jacqueline et
Georges VÉRON[1],
bien que paru en septembre 2001, ne nous était pas connu et celui de
François LEPÈRE[2]
ne devait paraître qu’en avril 2002.
Nous avons donc établi nous-mêmes
notre itinéraire[3]
en nous basant principalement sur deux sources : d’une part, la petite
plaquette de Willy BROU[4]
datant de 1982 et décrivant les grandes étapes de l’itinéraire partant de Bruxelles et ralliant Paris et d’autre part sur la
description donnée par Philippe DO NGOC sur Internet[5]
du chemin partant de Paris, dans laquelle il donne notamment des
informations historiques et touristiques sur les lieux traversés.
Nous avons aussi utilisé la documentation que nous
avons reçue des offices de tourisme des différents départements
traversés
Nous avons cherché à éviter le plus
possible les nationales et les grosses départementales, privilégiant les
petites départementales et les communales. Occasionnellement, nous avons
aussi emprunté un GR (le GR 3, le long de la Loire) et suivi une partie
du balisage du chemin vers Compostelle en Charente Maritime[6] .
Comme nous souhaitions passer
autant que possible par les lieux historiques, nous n’avons évité ni
Paris ni Bordeaux. Ceci nous a immanquablement amené à emprunter des
tronçons de nationales importantes. De même, entre Bordeaux et Belin‑Beliet,
pour la traversée des Landes, nous avions choisi de suivre la N 10 car
nous croyions cette route peu fréquentée.
Partis de Mazy le 30 mai, nous sommes arrivés à
Compostelle le 24 août 2002.
RÉFLEXIONS APRÈS COUP SUR NOTRE ITINÉRAIRE
Comme nous pouvions nous y attendre, ce sont les
étapes se déroulant sur nationales qui nous laissent le moins bon
souvenir.
L’approche de Paris, entre
Chantilly et Luzerches et surtout l’entrée à Paris entre Sarcelles et
Saint Denis sont très pénibles. Sur une nationale à quatre bandes,
marcher derrière le rail de sécurité sur une bande de terrain herbeux
qui ressemble plus à un dépotoir qu’à une pelouse, est vraiment peu
réjouissant. Par contre la traversée de Paris par les grands boulevards
en passant par la tour St‑Jacques, et l’église St-Jacques de la
Boucherie n’est pas déplaisante. Sortir de Paris par la N20 n’est pas
non plus désagréable : la N20 est pendant près de 20 Km une succession
de boulevards traversant des quartiers verts abritant de grandes
propriétés résidentielles.
Une autre étape très
pénible est l’entrée dans Bordeaux : autoroute, voies rapides à quatre
bandes, rocade, rond point nous laissaient l’impression d’être en tant
que piétons des « visiteurs » du moyen-âge tombant dans le 21ème siècle.
Pour éviter cet enfer, il aurait été préférable d’entrer dans Bordeaux
par la D113 qui longe la Garonne et de passer ainsi à côté de tous les
nœuds routiers.
Enfin la N 10 entre
Bordeaux et Belin-Beliet quoique effectivement peu fréquentée est très
fastidieuse . Pendant près de 36 Km la route est pratiquement
rectiligne et le paysage très peu varié : landes et bois de conifères. A
l’expérience, il nous apparaît qu’il serait bon d’éviter au maximum de
suivre cette route. Une alternative existe au moins entre l’Abbaye de
Cayac et Le Barp en empruntant des petites départementales, communales
et pistes à l’est de la N 10.
DES BALISAGES SE METTENT EN
PLACE
Nous savions qu’en
Charente-Maritime, un balisage et une carte IGN reprenant le tracé
balisé existaient. Pour avoir suivi en partie ce balisage , nous pouvons
dire qu’il est sans faille. Des bornes en pierre avec coquille sont
placées à chaque bifurcation ou intersection accompagnées éventuellement
d’une flèche directionnelle. Des bornes supplémentaires renseignent sur
le nom des divers lieux traversés. Même sans la carte IGN, il faudrait
beaucoup de mauvaise volonté pour se perdre.
Nous n’avons suivi ce balisage qu’en
partie, car il fait à notre goût trop de détours inutiles.
Ce que nous ne savions pas et que nous
avons découvert sur le terrain c’est l’existence d’autres balisages.
En Gironde, existe un
balisage constitué de traits ou de flèches de peinture jaune et parfois
de coquilles très stylisées également en jaune. Malheureusement ce
balisage est souvent insuffisant et doit poser beaucoup de problèmes au
marcheur qui voudrait le suivre. Une carte reprenant le chemin balisé
serait ici de grande utilité ; A notre connaissance, elle n’existe pas
encore.
Dans les Landes aussi un
balisage existe. Il est constitué de petites plaquettes métalliques en
forme de maison : dans la partie carré une coquille en bleu et la partie
triangulaire en jaune (le toit de la maison) sert de flèche de
direction. Ce balisage est occasionnellement complété par des traits de
peinture jaune et des croix indiquant une direction à ne pas prendre.
Dans l’ensemble ce balisage est efficace.
D’autres balisages existent
encore notamment un balisage pour cyclistes qui suit l’itinéraire
proposé dans les guides « Langs pelgrimswegen naar Santiago de
Compostelle ». Ce balisage est constitué de plaquettes métalliques avec
coquille et vélo et texte en néerlandais de l’Association Néerlandaise
des amis de St-Jacques.
Ces différents balisages montrent que cet
itinéraire commence à être mis en valeur.
DES HÉBERGEMENTS POUR PÈLERINS
Un autre signe de l ‘éveil
de cet itinéraire est la mise en place à partir de la Charente-Maritime
d’un accueil pour pèlerins qui permet presque de loger tous les jours
jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port. Le type d’accueil est diversifié : gîte
d’étape spécial pour pèlerins, couvent offrant l’accueil, local
sommaire mis à disposition, tente à disposition dans un camping,
accueil chez l’habitant avec participation libre aux frais, centres
d’hébergements divers. Ces lieux d’accueil sont renseignés sur notre
site
CONNAISSANCE DU CHEMIN PAR LES AUTOCHTONES
En commençant ce chemin
nous avions l’impression à priori de suivre un chemin peu connu car
comparé aux 3 autres chemins traversant la France, il est probablement
le moins utilisé par les piétons.
Si probablement peu de
piétons empruntent actuellement cette route, par contre les cyclistes la
choisissent volontiers (nous en avons rencontrés pas mal) principalement
des Hollandais et des Allemands mais aussi des Français qui
choisissent cet itinéraire car il est le plus facile ne traversant que
des régions de plaines.
Notre surprise a été de
constater très tôt, après avoir dépassé Paris, combien nous étions
interpellés par des passants, des cyclistes ou des automobilistes. Pas
un jour sans que l’un ou l’autre nous questionne : « allez-vous à
St-Jacques de Compostelle » ; « vous êtes ici sur le vrai chemin… » ;
« nous avons vu il y a quelques jours d’autres pèlerins… » ; « je vais
vous indiquer par où aller pour être sur le vrai chemin » ; « nous
connaissons quelqu’un qui y est allé »…
RECONNUS COMME PÈLERINS
Dans aucune de nos
précédentes traversées de la France sur les chemins classiques, nous
n’avons eu autant l’impression de suivre un chemin aussi connu des
autochtones et d’être autant reconnus en tant que pèlerins.
Une fois de plus, nous avons marché durant
des jours, des semaines, des mois…
Une fois de plus, nous
étions pèlerins sur le chemin de St-Jacques. Mais sur cette terre ne
sommes nous pas tous des pèlerins du quotidien ! Nous marchons jour
après jour sur le chemin de la vie. Nous ne faisons que passer. D’autres
ont marché avant nous et il y a tous ces autres qui nous suivent.
Dans cette immense chaîne de la vie, nous
ne sommes qu’un maillon, mais un maillon indispensable.
Nous sommes les pèlerins qui passent en
foulant le chemin et en le marquant de notre passage.
D’autres avant nous et d’autres après nous.
Pèlerins sur le chemin de la Vie
[1]
Jacqueline et Georges VÉRON, Le Chemin de Tours vers
Saint-Jacques-de-Compostelle. De la Loire aux Pyrénées,
Rando éditions, Ibos, 2001
[2]
François LEPÈRE, Sur le chemin de
Saint-Jacques-de-Compostelle… Paris, Saintes, Tours,
Lepère Éditions, Paris, 2002
[3]
La description détaillée de notre itinéraire (les étapes, les
routes, les lieux historiques, les hébergements possibles) se
trouve sur notre site Web : Etapes par
Paris - Tours
[4]
Willy BROU, De Bruxelles à Compostelle… sur les traces de
nos ducs de Brabant, Éditions Technique et
Scientifiques, Bruxelles, 1982
[5]
Philippe DO NGOC, Pèlerinage de Philippe Do Ngoc sur les
chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle,
http://www.doph.net
[6]
Le Conseil Général de la Charente-Maritime a en effet
édité une carte IGN reprenant le chemin balisé (sur 125 Km) . La
reconnaissance de l’itinéraire a été réalisée avec la
collaboration du Comité Départemental de la Randonnée pédestre.