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Article paru dans le Pecten, mars 2018,  N°127, pp.44-45

TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI …  à propos d'une carte des chemins de Saint-Jacques de Compostelle

par Pierre SWALUS
pierrre.swalus@verscompostellebe

La voici, cette  carte[1] montrant tous les chemins qui de la France rejoignent le Camino Francés.

Et c'est vrai qu'elle est belle cette carte : un vrai travail d'artiste ! Et c'est effectivement un artiste qui l'a dessinée  le sculpteur français du nom de Daniel DERVEAUX.

Le seul hic c'est qu'elle est trop belle pour être vraie, car elle a été dessinée dans les années 70 du siècle dernier et que c'est donc un faux ! Et même doublement faux : non seulement cette carte ne date pas de 1648 mais de plus, elle ne représente pas les routes principales telles qu'elles existaient à cette date

Elle reprend en fait, sans le dire, le tracé des cartes de René de la Coste-Messelière et de Claude Petitet, d'après les travaux des membres du Centre d' Études Compostellanes. .[2]

Si l'on compare cette carte avec une carte authentique tracée  par Nicolas SANSON et publiée la première fois en 1632 par Melchior TAVERNIER,[3] carte reprenant les "Chemins des postes et des traverses de France", ou encore celle de  1695 de Alexis-Hubert Jaillot,[4]on ne peut que constater l'absence totale de similitude !

             

Toute fausse qu'elle soit, cette carte a été largement diffusée et est devenue au fil du temps plus vraie que vraie : combien de fois n'est-elle pas citée comme référence ou reprise dans des ouvrages concernant les chemins vers Compostelle ... Un  site  jacquaire dit même à son propos : "Cette carte est, parait-il un faux... C’est peut-être un faux, mais elle nous fait rêver et retrace bien les chemins secondaires de France.../... Mais qu’importe finalement, que ce soit vrai ou non.../...".[5]

Si on peut être d'accord avec le fait que cette carte peut aider les futurs pèlerins à choisir leur itinéraire vers Compostelle, par contre  excuser le faux et même le relativiser comme le fait le site, et cela parce qu'elle nous fait rêver, semble plus discutable.

De quel rêve s'agit-il ?  S'il s'agit du rêve de prendre à son tour la route vers Santiago, je puis l'accepter et dire avec BREL " Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir, et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns " [6]

Si par contre nous faire rêver c'est renforcer en nous l'acceptation sans discernement de tout le merveilleux lié au pèlerinage ou autrement dit d'en amplifier la part de légende, je ne puis plus être d'accord.

Est-il nécessaire de croire que tous les chemins repris sur cette carte étaient des chemins de pèlerinage au XVIIe siècles (ce qui est faux), pour que le pèlerinage au XXIe siècle sur ces chemins ait un sens ? Le fait de savoir que Charlemagne  et saint François ne sont jamais allés à Compostelle, ou encore que le corps de saint Jacques ne s'y trouve pas, enlève-t-il quelque chose à la valeur de la démarche pèlerine d'aujourd'hui ?

Et comme le disait déjà SÉNÈQUE :" Méfie-toi du faux caché sous l'apparence du vrai".

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[2]  Madeleine GRISELIN et Denise PÉRICARD-MÉA, Compostelle, quand les fausses cartes font foi .  En ligne sur le site de Saint-Jacques Info : http://www.saint-jacques.info/fausse-carte/faux.htm

[3] En ligne sur le site de Paulus Swaen Old Maps Internet auction and galleries : http://www.swaen.com/item.php?id=8904

[5] l'Association Saintaise des chemins de saint Jacques de la Charante-Maritime : Chemins secondaires  essentiels en France. : http://www.compostelle17.fr/3

[6] Jacques BREL cit. In : Jacques VASSAL . Jacques Brel, Vivre debout . Ed. Hors Collection . Paris .2003 .