COMBIEN Y-A-T-IL DE VOIES VERS COMPOSTELLE ? UNE QUESTION SANS RÉPONSE POSSIBLE... |
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COMBIEN Y-A-T-IL DE VOIES VERS COMPOSTELLE ? UNE QUESTION SANS
RÉPONSE POSSIBLE.
par
Pierre SWALUS
« Combien y-a-t-il de voies vers Compostelle ? » est la
question posée par la librairie Cartovelo Cartopedestre sur
Face book et reprise par l’Agence des chemins de Compostelle
(1), dans un quiz de 3 questions permettant au vainqueur de
recevoir le livre de Fabienne BODAN « Atlas illustré des
chemins de Compostelle »(2). La réponse attendue, que l’on
pouvait trouver dans un lien vers la présentation faite par
l’éditeur du dit livre, était 6 : 4 en France et 2 en
Espagne.
Ayant dans un commentaire fait remarquer, peut-être un peu
trop caustiquement, qu’il s’agissait là d’une question très
franco-centrée car il y avait bien plus de voies et en
Espagne et en France, j’ai écopé d’une volée de bois vert,
pour ne pas dire d’insultes qui m‘ont fait arrêter
l’ "échange " et qui m’ont fait réfléchir plus attentivement
à la question posée.
Et à la réflexion, il m’apparaît qu‘il n’est pas possible de
répondre à cette question, tel qu’elle est posée.
Pourquoi est-il impossible de répondre à cette question ?
Il faudrait commencer par définir ce que l’on entend par
« voie ».
S’agit-il d’un itinéraire vers Compostelle qui porte un nom
et pour lequel existe un guide et un balisage ? Dans ce cas,
il y en a une quantité impressionnante tant en France,
qu'en péninsule Ibérique, en Belgique et dans pas mal d’autres
pays. Il s’en crée d’ailleurs régulièrement des nouveaux
auxquels sont donnés en général des noms latins pour les
rendre plus authentiques !
Il faudrait également préciser comment on définit le
commencement et la fin d’une voie.
Prenons un exemple : on parle communément de la « voie de
Tours » parfois aussi appelée « Voie de Paris-Tours » (déjà
2 points de départ différents). Où commence donc cette
voie. ? J’ai montré dans un article précédent(3) qu’au cours
des siècles passés des guides mentionnaient des itinéraires
au départ d’Orléans, de Paris, de Bruges, de Bruxelles et
d’Aix-la Chapelle et qui passaient par Tours.
On pourrait faire la même démonstration pour la Voie d’Arles
pour laquelle de nombreux textes décrivent des itinéraires
provenant de diverses villes italiennes (4).
Et pourquoi terminer ces « voies » à la frontière
franco-espagnole puisqu’elles se poursuivent jusqu’à
Compostelle ?
Pourquoi faire commencer la voie du Puy au Puy alors que le
GR 65 commence à Genève ?
Mais peut-être parle-t-on de « voie » uniquement lorsqu’il
s’agit d’une « voie historique » ?
Lorsqu’on parle de voie historique on se réfère à des voies
dont l’existence ancienne est authentifiée par des documents
historiques anciens. Très souvent lorsqu’il s’agit des
chemins vers Compostelle en France, le Codex Calixtinus est
cité comme document historique faisant foi. Hors, il n’en
est rien.
L’historienne Adeline RUCQUOI, dont la compétence est
rarement mise en doute, faisant référence à Pierre-Gilles
GIRAULT(5) à propos du Codex Calixtins , reprend sa thèse
en disant « que la mention dans celui-ci des grands centres
de pèlerinage de l’époque –tels que Saint-Pierre de Rome,
Notre-Dame du Puy, Saint-Gilles en Provence,
Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, Saint-Léonard de Noblat
ou Saint-Martin de Tours – avait pour fonction d’y recruter
des pèlerins afin de les envoyer vers les merveilles de
Compostelle. Le Liber Sancti Iacobi aurait ainsi joué un
rôle de “propagande”, de “publicité ”pour le pèlerinage, une
publicité qui s’adressait aux pèlerins, et allait donc les
chercher là où ils se réunissaient. »(6).
D’ailleurs pour les « voies » passant par Le Puy-en-Velay et
par Vézelay, aucun récit ancien de pèlerin, ni aucun guide
ancien ne nous sont connus. Ce qui enlève toute valeur
historique ancienne à ces chemins (7).
On pourrait d’autre part s’interroger sur le degré
d’ancienneté auquel doit répondre une « voie » pour être
déclarée « historique ».
Une voie créée pour des raisons touristiques et ayant vu,
par la suite, passer quantité de pèlerin.e.s, peut-elle être
considérée un jour comme « historique » ?
On aurait tendance à répondre spontanément « non »
Or en parlant de la description du chemin français dans le
Codex Calixtinus, Adeline RUCQUOI ose écrire « Loin d’être
un guide confectionné par un ou des pèlerins qui auraient
parcouru un chemin bien connu et largement fréquenté, le
cinquième livre du Liber Sancti Jacobi semble au contraire
avoir « crée » ce chemin, comme est créé une route
touristique… /… Loin d’être le témoin passif de l’existence
du chemin « français », le Liber Sancti Jacobi en est aussi
le créateur…/… Les auteurs du Liber inventent un chemin…/…
Il contribua à la création d’un itinéraire « touristique et
attira pèlerins et curieux sur la voie terrestre
qui… /… »(8).
Cependant personne, aujourd’hui, ne contestera
l’authenticité du camino francés ! (9)
La « voie » du Puy, créée en 1972, ne doit donc pas
désespérer d‘être reconnue d’ici quelques siècles comme voie
historique authentique !
En conclusion :
Répondre à la question « Combien y-a-t-il de voies vers
Compostelle ? » est vraiment une tâche difficile pour ne pas
dire impossible si ce n’est, et encore, en ajoutant à la
question moult précisions concernant le sens donné au terme
« voie ».
A chacun son chemin, à chacun sa voie…
(1) Agence
des chemins de Compostelle,
Un atlas des chemins de Compostelle à gagner,
en ligne sur le site
https://www.facebook.com/Agence-des-chemins, mis
en ligne le 21 novembre 2020
(2) Fabienne
BODAN et Patricke MERIENNE,
Atlas illustré des chemins de Compostelle,
Ouest France, 2020
(3)
Pierre SWALUS,
Est-ce la voie de Tours ? ou celle d’Orléans ? ou celle
de Paris ? ou celle de Bruges ? ou encore celle de… ?,
en ligne sur le site « Vers Compostelle » de l’auteur :
https://verscompostelle.be/voietour.htm
(4) Pour
des références voir Pierre SWALUS,
Les chemins « historiques » vers Compostelle en France,
en ligne sur le site « Vers Compostelle » de l’auteur :
https://verscompostelle.be/cheminhi.htm
(5)
P.-G. GIRAULT,
Saint-Gilles y su peregrinación en el siglo XII en el
‘Codex Calixtinus’dans ‘Visitandum
(6) Adeline
RUCQUOI,
Le « Chemin français » vers Saint-Jacques, une entreprise
publicitaire au XIIe siècle,
In : Giuseppe ARLOTTA & Paolo CAUCCI,
De peregrinatione : studi in onore di
Paolo Caucci von Saucken : Perugia, 27-29 maggio 2016,
Edizioni Compostellane, 2016, p. 612 : en ligne sur le site
:
http://www.academia.edu/
(7) Pierre
SWALUS ,
Les chemins « historiques » vers Compostelle en France :
en ligne sur le site « Vers Compostelle » de l’auteur :
https://verscompostelle.be/cheminhi.htm
(8) Adeline
RUCQUOI, op. cit. pp. 620, 626 & 627
(9) On pourrait se demander par où allaient les pèlerins
avant que ne soit créé fin XIe siècle le chemin français.
Adeline RUCQUOI (op. cit. pp. 614-615) parle de 2 voies :
une maritime de la côte de l’Aquitaine notamment vers Gijon
puis Oviedo et l’autre terrestre qui suivait l’ancienne voie
romaine qui reliait le Méditerranée à la Galice par le cours
de l’Èbre et vers les mines de Las Médulas au sud de
Ponferrada .
Mis en ligne le 26/11/2020
pierre.swalus@verscompostelle.be