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PÈLERINS SANS ARGENT …  « COQUILLARDS » DES TEMPS MODERNES ???

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PÈLERINS SANS ARGENT …  « COQUILLARDS » DES TEMPS MODERNES ???

par Pierre SWALUS

Il est courant aujourd’hui d’appeler (erronément) coquillard, les mendiants et vagabonds qui au moyen-âge se faisaient passer pour des pèlerins.

A cette époque, en vertu de la protection octroyée par la loi sur les pèlerins, cet habit servait de sauf-conduit qui facilitait l’accès aussi bien à la charité organisée des hôpitaux et des couvents qu’à la charité privée des gens pieux. C’était là une chance trop inespérée pour ne pas être saisie par toute une horde de vagabonds, de fainéants, de coquins et de truands. (1)

Attiré donc par l’abondance de charité, le chemin de St Jacques de Compostelle était littéralement pris d’assaut par des hordes de pauvres malheureux qui voyaient, dans cette opportunité, la possibilité bien sûr de se remplir le ventre mais aussi celle de gagner quelques sous par la mendicité. (2)

Peut-on assimiler les pèlerins voyageant sans argent aux « coquillards » et picaros du moyen-âge ?

Certes non !

Mais quand même…

Tous les pèlerins (ou pèlerines) actuels ne sont pas nécessairement des gens à l’aise financièrement, certains peuvent avoir très peu d’argent à consacrer à leur pèlerinage

Certaines de ces personnes désargentées se tirent d’affaire comme ces deux vagabonds qui jouaient de la guitare sur les places publiques pour récolter un peu d’’argent et proposaient leur services pour payer logement et repas (3) ou cet autre qui allait à Compostelle très lentement, en faisant des haltes de plusieurs jours dans les villages où il offrait ses services comme cordonnier, son ancien métier, en échange de l’hospitalité (4).

Mais tous n’ont pas la capacité de jouer un instrument de musique ou d’être manuel et d’offrir leurs services et ont malgré tout le droit d’entreprendre un pèlerinage vers Compostelle ou vers d’autres lieux de pèlerinage et de compter sur la générosité et le sens de l’accueil d’autrui.

Là, où le pèlerin sans argent me pose question, c’est lorsque celui-ci (ou celle là) a en réalité les moyens de payer les services demandés mais décide de ne pas utiliser ces moyens en faisant appel à la générosité des autres.

Pour quelles raison certains partent-ils sans argent alors qu'ils en ont ?

En général pour faire acte de pauvreté  et de confiance en la « providence ». 

Oui, mais cette confiance en la providence utilise l’habit et le statut du pèlerin comme passeport d’entrée ! Cet habit et ce statut ouvrent les portes de gens sensibles à la démarche pèlerine …

Sébastien de FOOZ a pèleriné pendant un mois dans Bruxelles sans argent en comptant sur l’accueil généreux de ses semblables (5) .

« Un habitant de Molenbeek, à qui, dans une laverie automatique, il explique sa démarche, le traite durement de bobo qui se donne bonne conscience, alors que beaucoup d’habitants du quartier vivent vraiment difficilement. Il écrit, après cette altercation : « Errant dans  les rues de Molenbeek, l’envie de pleurer m’a saisi. Cet homme n’a pas tort. Accepter cela et ce que ça produit en  moi m’a fait du bien. » « Ce serait indécent de comparer ce que j’ai vécu à la vie d’un SDF, commente-t-il. »(6)

He oui, si l’on veut vraiment faire une démarche de pauvreté vécue, d’humilité et de confiance dans la générosité humaine, il faut oser se dépouiller de ses passeports que constituent l’habit et le statut de pèlerin et s’annoncer comme SDF demandant asile et nourriture …

Ne pas jouer au pauvre mais se rendre pauvre et agir comme tel.

Sinon la ressemblance avec le coquillard est trop grande 

 

Mais il n’empêche que même « jouer » au pauvre est une démarche qui demande courage et humilité…

 

 

(1)    ARRIBAS  Pablo, Coquins, gueux, catins…sur les Chemins de Saint-Jacques, Cairn  Eds., 2009, p. 43

(2)   En ligne : La Picaresca, la face cachée du chemin de Compostelle, sur le site https://stjacquesdecompostelle.fr/l

(3)   https://www.allolaplanete.fr/voyager-sans-argent-sur-le-chemin-de-compostelle/

(4)   ZAPPONI Elena , En ligne : https://journals.openedition.org/assr/21855?lang=fr

(5)   de FOOZ Sébastien, Partir chez soi, changer de regard, s'ouvrir à l'inattendu, Bruxelles, Éditions  Racine, 2019. . : http://www.sebastiendefooz.com

(6)   HAYOIS Gérald, Pèlerin dans Bruxelles, En ligne sur le site https://magazine-appel;be

 

 

mis en ligne le 05/05/2024