LES PÈLERINS DES SIÈCLES PASSÉS ÉTAIENT PLUS HARDIS QUE NOUS… |
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De nos jours La majorité des pèlerins commencent leur pèlerinage en un lieu situé sur un des itinéraires réputés, comme par exemple Le Puy-en-Velay ou Tours pour la France et Saint-Jean-Pied-de-Port ou Roncevaux pour l’Espagne.. Si une minorité de pèlerins partent de leur domicile, très rares sont ceux qui reviennent de la même façon. Le retour se fera soit en avion, soit en train ou encore en bus. Tous les chemins sont bien balisés et même parfois de manière très (trop) abondante ; sur les principaux chemins, les hébergements sont nombreux et souvent peu onéreux. Par exemple sur les premiers 100 Km du camino francés on trouve une ou plusieurs auberges pour pèlerins en moyenne tous les 4,4 km (1) !. Les itinéraires suivis par les pèlerins sont bien entretenus soit par les pouvoir publics soit par des associations jacquaires qui mobilisent leurs membres pour le faire . Les principaux itinéraires voient défiler de très nombreux pèlerins : sur ces chemins, le pèlerin n’est jamais très isolé, les chances de se faire agresser sont minimes : il ne faut pas s’arrêter longtemps pour qu’un autre pèlerin vous dépasse… (de Saint-Jean-Pied-de-Port partent journellement, pendant la bonne saison, en moyenne 300 pèlerins par jour). Le pèlerin part au minimum avec un bon guide de poche offrant cartes, description de l’itinéraire, renseignements sur les hébergements et les commodités offertes par les localités traversées et renseignements historiques et touristiques divers. Souvent aussi emporte-t-il un Miam miam dodo et parfois même un programme GPS sur le Smartphone ou un guide électronique. Et bien sûr internet est consulté pour obtenir encore plus de renseignements. Sur mon site (2) , par exemple, les pages donnant des renseignements sur les hébergements sont celles qui sont le plus consultées et les documents donnant les listes d’hébergements sur les chemins espagnol et portugais ont été téléchargés 1112 fois au cours du mois de juillet 2017… Et malgré tous ces outils, l’inquiétude avant le départ est parfois encore présente chez certains pèlerins. Au cours de siècles passés : Aux siècles passés le pèlerin partait de chez lui, le plus souvent à pied, et revenait de la même façon. Particulièrement au moyen-âge, le voyage loin de chez soi présentait pas mal de dangers et d’imprévus. Parmi ceux-ci, figurent, selon Thomas SZABÓ, les cours d’eau à traverser : suivant les périodes de l’année, les gués sont plus ou moins praticables et les ponts ne sont pas très nombreux. Cet auteur nous rapporte « que les évêques sont en droit de distribuer des indulgences pour la construction de ponts et de routes dans la mesure où les pèlerins et les voyageurs pieux bénéficient de tels ouvrages et où les routes sont en mauvais état ». (3) Si l’état des chemins était souvent déplorable, le manque de sécurité, le risque d’agression représentait le plus grand danger. C’est la raison pour laquelle les pèlerins et voyageurs se déplaçaient en groupe pour pouvoir se défendre plus facilement contre des agresseurs (4). Au moyen âge comme pendant une grande partie de l’époque moderne l´itinéraire que va suivre le voyageur n’est pas strictement défini. Celine
PEROL résume très bien la situation : « De nombreux
facteurs conditionnent la durée et la difficulté d’un
voyage. Interviennent en premier lieu, le relief et les
conditions climatiques ; le niveau des eaux complique
les déplacements en plaine au printemps ; l’enneigement
ralentit ou interdit la progression sur les routes de
crêtes ou le passage des cols . L’état des routes et des
ponts est d’autre part un élément déterminant et
tributaire pourtant de nombreux aléas : le temps,
l’efficacité et les investissements des administrations
locales, seigneuriales ou urbaines. Ceci est aussi confirmé par F IMBERDIS qui, dans son études des routes médiévales conclut qu’il faut considérer : « le réseau de communications du Moyen- Age comme formé de chemins de terre, tous sensiblement équivalents, et dont certains ne sont routes que parce que le trafic les emprunte de préférence aux autres. Parfois, selon l'état du sol et les nécessités du moment, les relations commerciales abandonnent telle voie pour telle autre ; souvent aussi elles se partagent simultanément entre deux trajets parallèles, selon la fantaisie ou les commodités de chaque voiturier… Il n'est pas exclu que tel de ces tracés puisse coïncider avec une ancienne voie romaine ; le fait doit pourtant être relativement rare, en raison de ce perpétuel déplacement »(6). De plus, au moyen-âge les guides étaient rares. Encore fallait-il savoir lire pour les utiliser. Les guides étaient très sommaires : ainsi le codex "Itinerarium de Brugis" (Itinéraire Brugeois) manuscrit composé vers 1380 qui décrit en « détails » des itinéraires au travers de toute l'Europe continentale, itinéraires principalement destinés aux pèlerins de toute destination, décrit ainsi l’itinéraire allant de Paris à Tours (7) :
On peut le constater les renseignements sont très limités : uniquement une liste de quelques localités à traverser et les distances (en lieues) qui les séparent. Entre Paris et Tours, seules 9 localités sont citées Après la fin du moyen-âge, les guides s´améliorent quelque peu : ainsi dans le guide « Le chemin de Paris a Sainct Jaques en galice dit Compostelle: et combien il y a de lieues de ville en ville » sans date d’édition mais noté comme acheté en 1535 (conservée à la Bibliothèque Colombine, à Séville), le nombre de localités citées augmente et les distances à parcourir sans repère diminuent : 14 localités sont citées pour une distance plus courte (8).
Dans « La Guide des chemins de France » publié un peu plus tard par Charles ESTIENNE(9) pour le même itinéraire, Paris- Orléans, le nombre de localités citées augmente encore (on passe à 22) et quelques renseignements supplémentaires(10) sont fournis:
Malgré ces maigres améliorations, ces guides offraient peu de moyens pour savoir quel chemin emprunter. Le fait que certaines confréries Saint-Jacques aient édité des petits guides [notamment celle d’Orléans(11) et celle de Senlis] peut nous faire penser(12) que le futur pèlerin habitant proche d’une ville dans laquelle existait une confrérie pouvait être aidé par l’expérience des confrères ayant déjà effectué le pèlerinage. De toute façon les pèlerins et voyageurs inexpérimentés devaient se renseigner de proche en proche pour rejoindre la commune voisine ou se joindre à un groupe dans lequel quelqu’un connaissait le chemin(13). En conclusion Si l’on compare les conditions dans lesquels nos ancêtres se mettaient en chemin pour rejoindre Compostelle (ou un autre lieu de pèlerinage) à celles des pèlerins d’aujourd’hui, on ne peut qu’être admiratif devant leur courage, leur débrouillardise et leur confiance. Cela peut aussi nous inciter à être modestes et à ne pas trop vite nous considérer comme de grands aventuriers lorsque nous nous mettons en chemins… …avec notre smartphone. __________________ (1) Voir à ce sujet les hébergements pour pèlerins sur le camino francés : https://verscompostelle.be/cohebege.htm (3) SZABÓ Thomas . « Les dangers du voyage au Moyen Age ». Siècles , 25 | 2007, En ligne : http://siecles.revues.org/1379 (4) ibidem (5) PEROL Céline. « Chemins de pèlerinage et aires de routes. » G.Casiraghi et G.Sergi G (dir.). Pellegrinaggi e santuari di San Michele nell’Occidente medievale. Pélerinages et sanctuaires de saint Michel dans l’Occident médiéval, Sep 2007, Italie. Edipuglia (Bari), pp. 321-342., 2009. En ligne : https://hal-clermont-univ.archives-ouvertes.fr/ (6) IMBERDIS F. « Les routes médiévales : mythes et réalités historiques ». In : Annales d’histoire sociale. 1939, volume 1, N° 4, pp .411-416. En ligne https://www.persee.fr/ : (7) Itinéraire Brugeois composé vers 1380 publié d'après la copie du manuscrit de la bibliothèque de Gand, Bruxelles, J.H.Lehou, 1858, p. 27 [Reproduction numérique au format pdf de l’intégralité de l’ouvrage sur Books Google] : https://books.google.fr/ (8) ANONYME. Le chemin de Paris a Sainct Jaques en galice dit Compostelle: et combien il y a de lieues de ville en ville, s. l., s. d. Cit. in : Ignacio Iñarrea LAS HERAS. « Étude des itinéraires français du pèlerinage de Compostelle des xvie, xviie et xviiie siècle ». Studi Francesi , 172 (LVIII | I) | 2014 : En ligne : URL : http://studifrancesi.revues.org/2028 ; DOI : 10.4000/studifrancesi.2028.6 (9) ESTIENNE Charles. Le guide des chemins de France (Ed. 1552). Hachette [Réimpression à l'identique d'un ouvrage de la BNF accessible en ligne chez Gallica] : http://gallica.bnf.fr/ (10) Signification des abréviations utilisées dans le guide de Charles ESTIENNE : après la localité : v. ville, ch. château, du. duché, pr. prieuré, m. maison, e. évêché, vn. Université ; en fin de ligne : i 1(en chiffre romain), une sorte de P. lieue, R. repère, d. demi lieue, g. gîte. (11) MOLLARET Louis , Le triomphe de Compostelle, janvier 2007, n° 46 document PDF en ligne sur www.saint-jacques-compostelle.info/ (12 A notre connaissance aucun document en provenance des Confréries de Saint-Jacques ne fait explicitement mention de l’aide apportée aux futurs pèlerins. (13) Parmi les voyageurs se trouvaient notamment des marchands se déplaçant de foire en foire, des artisans rejoignant un chantier, des ouvriers agricoles cherchant de l’embauche, éventuellement des militaires, des clercs ralliant un monastère éloigné ou encore des étudiants rejoignant une université. Mis en ligne le 14/08/2017 |