« Compostelle » pour
monsieur (ou madame) tout le monde, c’est bien sûr la ville de
Santiago de Compostela, la capitale de la Galice dont la cathédrale
est l’objet d’un des trois grands pèlerinages de la chrétienté,
cathédrale où saint Jacques est honoré.
S’il est un de trois grands
pèlerinages de la chrétienté, cela signifie qu’initialement
Compostelle était un pèlerinage chrétien, un pèlerinage religieux.
Ce qu’il n’est plus nécessairement aujourd’hui. Beaucoup de
pèlerines et pèlerins actuels ne sont plus croyants, ils peuvent
être agnostiques ou athées.
Le pèlerinage à Compostelle est
devenu autant laïque que religieux, on pourrait dire qu’il est
devenu pluraliste.
Le pèlerinage de Compostelle se
distingue dans sa forme des autres pèlerinages tels que ceux de Rome
ou de Lourdes.
A Rome ou à Lourdes, l’objet du
pèlerinage est le lieu même. On s’y rend en avion, en train, en car
ou en voiture et le pèlerinage est d’être dans le lieu, de prier
dans la grotte ou dans la cathédrale Saint-Pierre.
Pour le pèlerinage de
Compostelle, il en va tout autrement : le pèlerinage se fait en
pérégrinant. Au cours des siècles passés et encore au cours du XXème
siècle, on marchait ou pédalait jusqu’à Compostelle.
Actuellement il n’en va plus
nécessairement de même.
En effet « le
lieu Compostelle » importe de moins en moins ; actuellement de plus
en plus, c’est le chemin qui compte : on ne va pas à Compostelle, on
« fait » Compostelle.
Le lieu, pour certaines
personnes, a souvent tellement peu d’importance que le
pèlerin-randonneur n’envisage pas d’arriver à Compostelle : Marcher
sur « un chemin de Compostelle » est suffisant ; que ce
chemin soit en Belgique, en France ou ailleurs, peu importe.
En France, le plus grand nombre
de ces personnes partiront du lieu mythique : le Puy-en-Velay
et « feront Compostelle » jusqu’à Conques, pour revenir ensuite à
leur lieu de départ avec le « Compostel-bus » qui fait la navette
journellement pour ramener les marcheurs et marcheuses à leur lieu
de départ. La plupart de ces personnes n’iront jamais à Santiago
(1).
Pour quelques-uns ce
« Compostelle » sera une belle randonnée, éventuellement
complètement organisée par une agence de voyage. (2)
Compostelle (en tant que
pèlerinage) est aussi un objet magique : on parle de « la magie du
chemin » ou de « la magie du Compostelle ».
Cette
expression est tellement répandue que nous y reviendrons plus en
détails dans une autre chronique ;
disons simplement ici,
qu’elle est utilisée lors de l’avènement de tout événement heureux
qui survient lors de la randonnée : la vue d’un beau paysage, un
robinet d’eau alors qu’on a soif, une bière partagée avec un
inconnu, un repas convivial… tout cela appartient à la « magie » du
chemin : « ça c’est le Compostelle ».
Compostelle de par sa
caractéristique de pèlerinage pérégriné, du fait qu’il se présente
sous la forme d’une
pérégrination sur un chemin n’arrivant pas nécessairement à la
cathédrale de Santiago, est devenu le nom de ce type de pèlerinage :
ainsi on parle
actuellement du « Compostelle québécois » (3),
de « chemins de Saint-Jacques en Corée » (4), du « Compostelle
japonais » (5) ou encore de « Compostelle brésilien »
(6).
Comme le dit très justement
Éric LALIBERTÉ : « Compostelle est devenu plus qu’une destination
religieuse ; c’est un concept de cheminement personnel, de la même
manière que la ville grecque de Marathon est devenue un nom commun
pour désigner une expérience en particulière » (7).
Enfin, et comment pouvoir
l’oublier, « la Compostelle » ou « la Compostela » est le diplôme
remis aux pèlerins et pèlerines qui ont parcouru aux moins les 100
derniers kilomètres, document qui explique pourquoi près de 60%
des personnes qui la reçoivent , marchent le minimum requis .
En
conclusion.
Répondre à la question
initialement posée « Compostelle …de quoi parle-t-on ? »
n’est pas aussi simple, ni aussi univoque qu’il n’apparait de prime
abord.
En effet, Compostelle est un
terme polysémique :
« COMPOSTELLE » peut signifier :
Une ville,
« Santiago de Compostela ».
L’objet d’un
pèlerinage religieux.
Mais aussi
l’objet d’un pèlerinage pluraliste.
Le
déterminatif d’un chemin : « un chemin de Compostelle ».
Le pèlerinage
lui même : « on fait Compostelle ».
Une belle
randonnée.
Un évènement
« magique » ou l’objet d’une magie.
L’archétype
des pèlerinages qui se font en marchant.
Le diplôme qui "récompense" les pèlerins et pèlerines.
(1)
SWALUS Pierre, 30.000 pèlerins au Puy-en-Velay… et
ensuite, En ligne sur le site Vers Compostelle de
l’auteur :
https://verscompostelle.be/30000-pelerins.htm
(2)
Saint-Jacques de Compostelle : 39 treks , randonnées et voyages,
en ligne sur le site de La Baguère :
https://www.labalaguere.com/d/randonnee-et-trek/saint-jacques-de-compostelle
(3)
https://www.chemindessanctuaires.org/
(4)
https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Des-chemins-de-Saint-Jacques-en-Coree-du-Sud-_EP_-2013-01-02-894434
(5)
https://www.lepelerin.com/chemins-pelerinages/pelerinages-du-monde/shikoku-sur-les-chemins-du-compostelle-japonais-5696
(6)
https://www.echoway.org/graphic/oupartir/fichetechniqueold/bresil.htm
(7) HAROUNI
Brigitte & Éric LALIBERTÉ (Dir.), Marcher, parler, écouter ;
L’exercice pèlerin, Novalis, 2021, Cit. in Charlotte
MERCILLE, sur le site Ledevoir :
https://www.ledevoir.com/societe/597962/la-marche-pelerine-la-marche-pelerine-un-cheminement-vers-soi
, 3 avril 2021.