LA PLACE DE LA FEMME DANS LE MONDE JACQUAIRE
par Pierre
Swalus
pierre.swalus@verscompostelle.be
Si dans nos sociétés
occidentales, l’égalité entre les femmes et les hommes est proclamée et
si des progrès constants vers plus d’égalité peuvent être constatés, il
est aussi évident que bien des progrès restent encore à faire pour
arriver à une totale égalité.
Les discussions
actuelles concernant l’écriture inclusive et la prédominance du masculin
sur le féminin dans la langue française ainsi que la résistance au
changement de ceux qui proclament que le masculin des termes doit être
considéré comme un genre neutre montrent encore , s’il le fallait , que
le féminin n’est pas encore l’égal du masculin…
J’ai déjà montré à
ce propos que la représentation du « pèlerin » (genre neutre) dans les
statues de plus en plus nombreuses que l’on rencontre sur les différents
chemins vers Compostelle, est très majoritairement constituée de figures
masculines : l’homme y est présent dans 96 % des cas alors que la femme
ne l’est que dans 11 % ! (1)
Et cependant les
femmes sont nombreuses sur les chemins. Les statistiques des « compostela »
distribuées montrent que leur nombre ne cesse d’augmenter non seulement
en chiffres bruts mais aussi en % du total des pèlerin.e.s : alors
qu’elles représentaient 31% du total en 1991(2), elles ont atteint en
2017 les 49%(3)... tout proche donc d’une parfaite égalité avec les
hommes ! Cette participation des femmes est vraiment remarquable, car il
y a très peu d’activités dans lesquelles les femmes sont proches de la
parité avec les hommes.
Si les femmes sont
pratiquement aussi nombreuses à recevoir la « compostela » que les
hommes, on peut se demander si cela est également vrai dans la part de
responsabilité qu’elles prennent dans les associations jacquaires.
Pour répondre à
cette question, nous avons étudié la composition des conseils
d’administration des 46 associations jacquaires francophones pour
lesquelles nous avons pu trouver ces renseignements sur leur site web.
Le nombre de membres de ces conseils d’administration variant très fort
(de 3 à 22 membres), nous avons exprimé le taux de participation des
femmes en pourcentage du nombre total de membres de ces C.A..
En moyenne, le
pourcentage des femmes dans ces C.A. est de 38,11%. Ce n’est bien sûr
pas la parité, mais comparé au pourcentage de 22 % de femmes en moyenne
dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises
européennes(4) et de 23,2% pour la Belgique(5), ces 38,11% constituent
un résultat honorable.
De grandes
disparités existent cependant entre les associations. Voici quelques
chiffres pour les illustrer :
·
5 sur
les 46 associations dépassent les 60 % de représentation féminine dans
leur C.A. (l'Aquitaine, le Westhoek, les Alpilles, le Lot et Garonne et
les Jacquets Yussois) ;
·
12
associations atteignent ou dépassent les 50% de membres féminins ;
·
7
associations n’atteignent pas les 25 % de femmes dans leur C.A. ;
·
et une
association a un conseil d’administration composé exclusivement d’hommes
(nous tairons son nom car nous ne voudrions pas qu’elle soit traitée de
misogynie !).
L’analyse peut être
poussée plus loin en examinant quelles fonctions occupent ces femmes au
sein des C.A..
Force est de
constater que dans la répartition des tâches, les stéréotypes
féminin/masculin reprennent vigueur. En effet, alors que les femmes
représentent 38,11% des membres des C.A., seuls 22 % des postes de
président.e sont occupés par des femmes, celles-ci reçoivent un lot de
consolation en accédant à la vice-présidence dans 48 % des cas ; par
contre le poste de secrétaire leur est attribué dans 52 % des cas !
Évidemment les
associations qui présentent une représentation féminine très minoritaire
voire inexistante, ne manqueront pas de se défendre de toute forme de
sexisme ou de machisme et invoqueront l’absence de candidate ou leur
trop faible nombre. Mais il est tout aussi évident que si pas ou peu de
femmes se présentent pour occuper une fonction au sein d’un conseil
d’administration, ce n’est pas par hasard, c’est très probablement parce
que rien ne les y incite ou même parce que l’impression ressentie est
que les candidats attendus sont des hommes.
Comment peut-on
essayer de changer cette situation ?
Le discours et
l’écriture inclusives peuvent déjà être un moyens de changement, car
comme le disent très bien Raphaël HASSAD et Carline BARIC : « Le
discours n’est pas simplement un instrument de l’influence, mais bien le
lieu de l’influence »(6).
Très simplement, en
bannissant l’usage du masculin générique et en utilisant les termes
féminins et masculins, en ne faisant pas appel à « des candidats au
poste de … », mais plutôt à « des candidates ou candidats au poste
de… », en parlant plutôt des « futures pèlerines et pèlerins » et non
des « futurs pèlerins », en un mot en manifestant clairement dans le
discours et dans les écrits que la femme a la même place que l’homme.
Une telle démarche n’aura pas seulement des effets sur ceux qui écoutent
les discours ou qui lisent les textes mais aussi sur ceux qui les
rédigent.
Concluons en
disant que le monde jacquaire a encore du chemin à parcourir avant
que la femme y soit l’égale de l’homme et que s’il souhaite que la
femme ait la place qui lui revient, il doit adopter une attitude
proactive plutôt que d’attendre que le changement ne se fasse de
manière spontanée.
(1) SWALUS
Pierre, « La femme... un pèlerin à part entière ? », En ligne sur le
site Vers Compostelle de Pierre et Simonne Swalus : https://verscompostelle.be/femmepel.htm
(2) AFPSJC , « Statistiques
du bureau des pèlerins à Compostelle », En ligne sur le site de
Association Française des Pèlerins de Saint Jacques de
Compostelle (AFPSJC) :
http://ultreia.pagesperso-orange.fr/stats2.htm
(3) En
ligne sur le site de l'Officina de Acogida al Peregrino,
https://oficinadelperegrino.com/en/statistics/
(4)
LEGUILLOUX Claude, « Entreprises : La part des femmes dans les organes
de gouvernance et les structures de direction reste médiocre en
Europe », En ligne sur le site de Boursier.com :
https://www.boursier.com/actualites/economie/entreprises-la-part-des-femmes-dans-les-organes-de-gouvernance-et-les-structures-de-direction-reste-mediocre-en-europe-38312.html
publié le 08/03/2018
(5)
ROULETTE Damien, « Femmes en entreprise: un indicateur de
performances? », En ligne sur le site de la RTBF :
https://www.rtbf.be/info/dossier/dossier-diversite/detail_femmes-en-entreprise-un-idicateur-de-performances?id=9113198
publié le 26 octobre 2015
(6)
HASSAD Raphaël et Carline BARIC ,
« Manuel d’écriture inclusive. Faites progresser l’égalité homme/femme
par votre manière d’écrire », document PDF publié en ligne sur le site
de l’Université de Touloise III :
http://www.univ-tlse3.fr/medias/fichier/manueldecriture_1482308453426-pdf
mis en ligne le 05/05/2018