Article paru
dans la revue
de l'Association Belge des Amis de
Saint-Jacques-de-Compostelle,
"Le Pecten ", n°
115, pp.37-39
Saint Jacques le
Majeur est en Belgique le patron de 35 églises dont 2 sont désaffectées
(celle de Louvain et celle de Namur).
[i]
Le nombre d'églises
dédiées à un saint peut être considéré comme une mesure de la popularité
de ce saint ou de la ferveur populaire à son égard durant les siècles
passés.
Est-ce que 35 est un
nombre important ? Pour répondre à cette question, j'ai tenté de faire
un inventaire de toutes les paroisses ou églises de Belgique. Pour la
Flandre et Bruxelles, l'opération est facile car un site[ii]
répertorie toutes les églises et permet de les classer par le nom de
leur patron. Pour la Wallonie par contre c'est moins simple: d'une part,
je n'ai pas trouvé un site regroupant toutes les paroisses et j'ai du
passer par les sites des différents diocèses et d'autre part un diocèse
n'a pas un inventaire complet.
Malgré cette
imprécision on peut se faire une idée assez claire de l'importance des
différents patrons des églises et paroisses.
Le champion est saint
Martin qui devance les "Notre Dame" de toutes sortes (de l'Assomption,
du bon secours, immaculée, de bonne espérance, de la visitation...), les
saints Pierre, saint Lambert, saint Rémy, saint Nicolas, saint
Jean-Baptiste, saint Amand....
Saint Martin patronne
près de dix fois plus d'églises que saint Jacques. Il nous faut
accepter, malgré tout notre attachement à saint Jacques ou à son
pèlerinage que celui-ci n'est pas dans le top 10 des saints les plus
populaires.
Par contre, on peut
dire que saint Martin est ou a été un saint extrêmement populaire. Nous
connaissons tous l'image de saint Martin sur son cheval en tenue
d'officier romain et qui coupe son manteau en deux pour le partager avec
un pauvre qui avait froid. Les plus vieux d'entre nous se rappellent que
pendant la dernière guerre, saint Martin, qu'on appelle aussi le
miséricordieux, était ainsi représenté sur les affiches du "Secours
d'hiver" (Winterhulp en flamand).
S'il partage avec
saint Jacques cette représentation cavalière, l'histoire et la légende
les différencient fortement : si saint Jacques est le guerrier matamore,
saint Martin lui, malgré qu'il soit officier romain, refuse de se
battre et de tuer. Si la légende dit que saint Jacques est enterré à
Compostelle, ce que l'histoire ne confirme pas, il n'y a par contre
aucun doute sur la vie et la mort de saint Martin à Tours.
La popularité de saint
Martin se confirme lorsqu'on examine l'usage de Martin comme nom de
famille. Martin est le 3éme nom de famille le plus fréquent en Wallonie[iii].
S'il n'est que le 33ème pour la Belgique[iv],
c' est du au fait que Martin est un patronyme français (il est
d'ailleurs le 1er patronyme en France) et de ce fait bien plus rare en
Flandre.
Ce patronyme est traduit en Flandre par
Maarten et tous ces dérivés : les Martens, Maertens et Maerten ,
Mertens[v]
.
Le tableau ci dessous
montre les fréquences des différents noms de famille (au 31 décembre
1987)[vi]. On peut y
constater que Mertens est le nom de famille qui obtient la 5me place en
terme de fréquence en Flandre. Si on additionne tous les patronymes
issus de Martin et de Maarten, ce nom de famille dépasse aussi bien en
Wallonie qu'en Flandre et qu'à Bruxelles, Peeters qui avec une fréquence
de 33.170 est le premier en Belgique !
Mais , soyons honnête,
si on regroupait tous les patronymes immédiatement apparentés à Peeters
(les Pieter, Pieters , Pierre, Pir , Pieron, etc.), saint Martin
arriverait en 2ème place...
Jacques apparait lui
passé la 100ème place en Wallonie tandis que sa traduction Jacob occupe
la 3ème place en Flandre. Cependant si l'on regroupe tous les patronymes
issus de Jacques et de Jacob, tels que les Jacobus, Jacobs, Jacoby,
Jacot, Jacqmain sous toutes ses formes, Jacmart ,Jacquart, Jacquet,
Jacquy, etc.[vii] on arrive
au nombre respectable de 37.392[viii].
Le patron de notre association ne se classe donc pas si mal !
Un autre parallèles que l'on peut faire
entre saint Jacques et saint Martin est le fait que pour saint Martin
aussi existent des chemins[ix].
Ces chemins au nombre
de 4 rappellent des épisodes de sa vie. Ils sont intégrés depuis 2005
dans les "Itinéraires Culturels du Conseil de l'Europe"
La Via sancti Martini (2 500 km) relie sa ville d’enfance
(Szombathely en Hongrie) à Tours. à travers la Hongrie, la Slovénie,
l’Italie et la France .
La Via caesaraugustana (1 100 km) relie Saragosse, où il serait
aller à un concile, à Tours.
La Via Treversorum (1100 km) relie Tours à Trèves où il se rendit
plusieurs fois pour rencontrer les empereurs.
La Via Trajectensis
(1100 km) relie Tours à Utrecht en passant
par Amiens où saint Martin aurait partagé son manteau. Je n'ai trouvé
nulle part une explication quant au lien existant entre ce chemin et la
vie de saint Martin.
Ces chemins pourraient tenter des pèlerins désireux de marcher sur de
nouveaux itinéraires moins encombrés que les chemins vers Compostelle.
Actuellement, seulement certains tronçons sont balisés, ce qui veut dire
que le pèlerin devra faire une travail important de préparation pour
suivre ces nouvelles voies. Le site web "Les Chemins Européens"[x]
fournit pas mal de renseignements et est un bon point de départ
pour une préparation plus approfondie.
Terminons en rappelant que Tours était depuis le Vème siècle le
premier lieu de pèlerinage de la Gaule.
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[iii]
HERBILLON Jules et Jean GERMAIN,
Dictionnaire des noms de Famille en Belgique Romane et
dans les régions limitrophes, Crédit Communal, 1996,
p.557
[v]
DEBRABANDERE Frans,
Verklarend Woordenboek van de Familienamen in Belgie en
Noord-Franrijk, Gemeentekrediet, 1993, p. 915
[vi]
HERBILLON Jules, op cit. pp. 875 sqq.